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    Jean-Marc COUFFIN - ARCHITECTURE . gravures . ETCHINGS -
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Texte de ma plaquette de Projet de Diplôme

Beaucoup de travail et de lectures sur la question de la culture et de l'étrangeté à la culture

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TITRE: «3 »

AUTEUR: Jean-Marc COUFFIN |Plaquette de présentation pour la soutenance du diplôme d’architecte DPLG|novembre 2004|

DIRECTEUR D’ÉTUDES: Christian HAUVETTE, Architecte et Urbaniste; ENSEIGNANT ENCADRANT: André SAUVAGE, Sociologue;

Enseignants désigné par l’école: ENSEIGNANT EXTÉRIEUR: Yves POHO, Architecte QUATRIÈME ENSEIGNANT: Serge WACHTER, Urbaniste

INVITÉE EXTÉRIEURE: Pauline YAPI-AUBERT, Designer en communication visuelle et assistante de recherche, Genève, CH

tda: traduction de l’auteur Toutes les citations sont notées comme suit: (NOM, Prénom ANNÉE: page) et repérées par des guillemets

École d’Architecture de Bretagne (EAB), Rennes, octobre 2004

«Une des maximes d’éducation pratique qui ont régi mon enfance:

«Ne mange pas la bouche ouverte.»

(COLETTE in BACHELARD, Gaston 1989: 190)

«Alors qu’un mouvement global relie électroniquement le monde entier et toutes les cultures dans une fusion ininterrompue du temps et de l’espace, il y a aussi une tendance inverse: les cultures locales revendiquent leur appartenance à un lieu. Entre ces deux forces _ expansion d’une part, contraction de l’autre _ se constitue l’espace-temps contemporain. Il faut élaborer une architecture nouvelle qui soit simultanément en phase avec la continuité trans-culturelle et avec les cristallisations poétiques de situations et de communautés spécifiques.»

(HOLL, Steven in Quaderns n°2, 1996)

«Even a word is a work of art.»

(KAHN, Louis I. 1993:20)

Note pour la bonne lecture du document de présentation

J’attirerai, dans un premier temps, l’attention des lecteurs sur deux remarques relatives à la bonne lecture de ce document. Il est issu d’un travail honnête et personnel, et doit être considéré comme tel.

Qu’est-ce que «faire un diplôme» ?

Du point de vue de l’étudiant, le diplôme constitue l’aboutissement d’expériences, la fin d’un parcours de «diplômation» DPLG, et d’un travail tant long que fructueux personnellement. Mais concrètement, c’est: établir un sujet, définir une problématique, la justifier, se nourrir jusqu’à plus soif de références en la matière, construire une réflexion, la justifier, la représenter par écrit, et toujours justifier, puis la représenter «spatialement», car c’est le but de tout faiseur d’espaces. Entre-temps, il faut parler et communiquer avec ses tuteurs et professeurs afin d’avoir un retour critique et de ne pas s’égarer dans des développements inutiles, et donc d’être prolixe. Suit la préparation de la représentation graphique du projet, puis de la présentation orale, il faut présenter, puis espérer que les questions, lors du débat, seront intéressantes, et centrées sur le projet, et non sur la vie de chacun (problème majeur de la plupart des débats d’«experts»); bref que le débat soit de qualité. Après cela, les jurys délibèrent, mais le plus important est passé, le moment attendu depuis le début des études d’architecte. Évidemment, il aura fallu transmettre en amont, un mois avant la soutenance, le rapport de présentation aux jurys, la fameuse plaquette de présentation, le document présent.

Techniquement parlant, c’est composer un projet qui fonctionne du point de vue de l’esthétique architecturale et de la technique constructive. Le rapport de présentation, quant à lui, accompagne ladite présentation. Les membres du jury, censés lire ce dernier, afin de se nourrir de la réflexion de l’étudiant, vont devoir se mettre en état de correcteur, c’est à dire de juge arbitre arbitraire correcteur du projet, et vont émettre un jugement de valeur. Passe / Passe pas...

Dans les faits: c’est trouver une bonne idée, la construire un tant soit peu, déposer le sujet, et trouver des professeurs de bonne volonté et si possible de qualité pour jouer les jurys, aller à la bibliothèque pour se mettre au goût du jour, et ainsi de suite... Mais c’est aussi dépenser beaucoup d’énergie, de temps, et pas mal d’argent.

Du point de vue du public, on ne peut souvent juger la qualité du diplôme qu’à la quantité. N’ayant pu lire la plaquette avant la présentation, la qualité de la réflexion est difficile à juger à moins que les qualités oratoires du «prélat» étudiant soient hors norme.

La vérité individuelle, et les faits ponctuels

L’expérience démontre très souvent en quoi des points de vue «culturellement» assis, ne sont que des généralités très relatives, et souvent éloignées de la réalité du lieu et du moment. On ne peut, c’est vrai, baser notre jugement d’ignorance sur grand chose; seuls des points admis par tous sont là pour nous supporter. Ils nous suffisent, ou plutôt suffisent à beaucoup, pour dire et par la suite agir selon ces «vérités» toutes relatives. Je suis là, «je vois ce que je vois», et je ne peux juger que sur les faits qui sont là devant mes yeux, sur les paroles que j’échange, ou bien les expériences que je peux vivre. Je suis un être conscient et pensant.

Dans ce court paragraphe, je transposerai, aussi innocemment que possible, les propos de Claude LEVI-STRAUSS, dans le Regard éloigné, à propos d’un texte inédit de DE SAUSSURE. On y traduit la possibilité étymologique d’un sens historique des mots et de leur transcription à travers les trois paradigmes de la religion, de la langue et de l’histoire. En ce qui nous concerne, nous nous bornerons à comprendre une étymologie probable du mot Université et du mot Culture, qui sont les sujets de notre réflexion.

Culte, Culture

Culte

Le culte est à l’origine de la définition d’une culture, du moins «ethnologiquement». On définit une culture par le dogme qu’elle suit et qui la poursuit. Certains vouent une adoration à une culture précise, à l’université, le culte est celui du savoir. Tous les moyens sont bons pour acquérir des connaissances. Ainsi, on vouera un culte à des livres, des enseignements, des théories, mais aussi à des professeurs. On fait tant l’apologie d’une culture qu’on en vient bien souvent à éluder les qualités de sa propre culture.

Culture

La culture, au sens agricole du terme, c’est un travail durable, long, et souvent douloureux. La culture du savoir est une des plus ardues, car ne la maîtrise pas qui veut; il est même souvent difficile, voire impossible, d’atteindre la maturité de ce savoir, et d’en récolter un fruit quelconque. L’université, elle aussi, se cultive, tant au niveau foncier qu’au niveau humain. Les fruits du foncier sont visibles très rapidement, tandis que les cultures humaines ne se développent que très lentement. La culture se cultive aussi, c’est un travail sans véritable finitude, et c’est tant mieux. Les éléments dits de culture évoluent sans cesse, sinon ils meurent, c’est d’ailleurs au seul moment de leur mort que l’on s’aperçoit qu’ils existaient et qu’ils avaient une certaine importance.

Uni, Vers, Univers, Cité, Unicité

Uni

L’Université est apparue au XIII ième siècle de l’union des professeurs et dans d’autres cas, de l’union d’étudiants. Ce sont les premières formes d’universités connues: des groupes de personnes unies par des savoirs, ou le besoin d’en acquérir [des savoirs]. Aujourd’hui, les universitaires sont surtout unis dans leurs revendications. Les universités sont démunies, en concurrence entre-elles et avec d’autres branches de l’enseignement supérieur.

Vers

On a très vite ressenti au sein de ces universités un besoin certain de réunion, mais aussi d’alliances. Alliances avec les puissants de l’époque, dans un premier temps les rois, puis les papes. Aujourd’hui, on tend à rechercher des alliances avec les grands du moment: ministres quelquefois, mais surtout entreprises du secteur privé, (nouveaux) sponsors privilégiés de la recherche et du développement des universités. Certes, on essaie encore de s’unir avec villes, communautés territoriales et régions. Mais ce pas vers une décentralisation de la commande publique pose le problème de la fragmentation des nouvelles constructions universitaires: impossible de construire un équipement complet en terme de fonctions universitaires.

Univers

C’est bien souvent le diagnostic des architectes, des urbanistes, mais aussi des usagers des universités eux-mêmes, le problème est aujourd’hui de créer des univers. Pas seulement pour les universitaires, mais aussi pour tous les membres de la cité. L’université était dès le départ un univers en soi, fermé sur lui-même. L’évolution des universités tend à admettre que ces univers doivent s’ouvrir quelque peu pour survivre à la concurrence privée et à l’étouffement d’un fonctionnement administratif lourd.

Cité

Toute université est dépendante de la cité: malgré sa relative autonomie de fonctionnement _ on pourrait survivre relativement correctement sur la plupart des campus occidentaux _ l’université a besoin du souffle régulier et frais de la cité et réciproquement. La cité est le vivier de la diversité, et l’université le vivier de la jeunesse et des idées neuves (quoique sur ce point, beaucoup diront que ce n’est que le «ressassement» d’idées anciennes: faire du neuf avec du vieux). L’innovation naît de ce vivier, et se transmet dans le monde par l’interface de la cité.

Unicité

Depuis les débuts de la «démocratie» nord américaine, on a pu remarquer l’usage qui a été fait, peu à peu, de ces fabuleux outils que sont l’université et les écoles, pour «modeler» un peuple moins ignorant, donc plus formel et formaté au schéma démocratique étasunien. Alors que les «barons voleurs» se sont efforcés de créer un système capitaliste stable et profitable, et un gouvernement bipartite, le moyen de cette stabilité a été la création de l’unicité au sein de la population. Des gens bien éduqués sont plus contrôlables. Ils s’automaîtrisent. Les dogmes enseignés ne varient pas et ne sont pas fait pour engendrer une éventuelle créativité sociale.

00.Entrée en matière

C’est toute la relativité du jugement: nous nous basons sur des a priori culturels et nos appréhensions de trois cultures. Nous en parlerons, nous en avons eu des expériences tant humaines que sensorielles. Nous ne pouvons pas prétendre connaître la culture de Rennes et de la Bretagne, pas plus que nous pouvons le faire de Zlín et de la République Tchèque, ou de Lafayette et des États-Unis. Pourtant l’architecture est considérée comme une expression de la culture (loi du 3 janvier 1977).

«Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien.»

Né Breton, à Rennes, je connais un peu la Bretagne; paradoxe de dire cela quand on ne connaît pas un mot de la langue. L’Amérique ne m’est pas étrangère, le temps de réaliser une quatrième année en architecture à l’Université de Louisiane à Lafayette, au fin fond du bayou (dans le coeur de la «Sun belt», mais aussi de la «Bible belt»), j’ai pu me confronter à la culture francophile louisianaise, à l’Université, mais aussi à de grandes mégalopoles américaines. Concernant la République tchèque, où je travaille actuellement à ce diplôme, j’ai passé au total plus de quatre mois là-bas, et je continuerai à m’adapter ou à adopter un tant soit peu la culture morave pour laquelle j’ai une affection particulière. Ce sont les trois lieux de culture que je connais le mieux, ceux avec lesquels j’entretiens une relation particulière. Trois pays de l’hémisphère nord, trois régions précises qui n’ont pour seul point commun que l’expérience que j’ai pu en avoir (égotisme). Un autre point commun mais historique celui-là, est que la France a déjà occupé ces pays, le temps d’une guerre, d’un mariage, ou bien d’une colonisation. Trois projets uniques, dans une démarche plurielle.

Ainsi, c’est toute la question que nous traiterons ici: le rapport de la culture et des cultures à la production d’une architecture universitaire contextualisée. Les altérités, c’est finalement la question majeure, celle qui fait le lien avec le «3» du titre: un, on est seul, deux c’est la confrontation, trois c’est l’altérité et on peut finalement penser une approche comparée, nourrir les projets les uns des autres. C’est ce lien qui sera exploré.

Je vous propose ainsi d’examiner avec moi trois notions autour desquelles nous avons élaboré notre raisonnement:

La première, celle de la Culture (du lieu), au travers de laquelle nous éclaircirons ses terminologies pour en dégager des principes appliqués à notre démarche.

Celle de l’Université _des universités_ du principe de l’éducation, de son histoire et de ses transformations récentes qui ont une influence certaine sur les nouveaux bâtiments universitaires.

Et enfin celle des projets, bornant et décryptant les paramètres propres à chacune des situations, à savoir: une faculté de sciences humaines et sociales à Villejean (à Rennes) un complexe urbain universitaire comprenant une faculté de multimédia et technologie, ainsi qu’un parking et des commerces pour le centre ville de Zlín, en République Tchèque, et enfin, la faculté de l’Université de Louisiane à Lafayette, aux États-Unis. Les trois facultés ou programmes reflètent quelque peu la spécificité des enseignements architecturaux qui y sont développés, à savoir: plus sociale en France, une orientation technique en République Tchèque, et vers le design aux États-Unis.

01.Culture

«L’anthropologie, comme l’initiation de l’architecte par un terrain anthropologique, mettent [sic] en évidence le relativisme culturel des concepts d’aménagement de l’espace, de sa structure et de son langage. Une société s’exprime dans sa structure spatiale comme dans sa langue.»

(CLÉMENT, Pierre 1997e 1997)

La culture demeure un des termes les plus abondamment utilisés pour identifier un ensemble vague et impondérable de croyances, de valeurs et d’idéaux, que l’on pourrait résumer sous le terme: moeurs. Il nous appartient donc de lui donner un sens, une forme, en définir les caractéristiques, pour aboutir au développement de l’application d’une telle définition. Toutefois, cette définition restera libre et nous permettra de traiter de la culture sans différencier les appréhensions du terme culture à chaque utilisation par la suite pour ne pas alourdir.

Les sens de la culture, définitions

«La culture est en majorité une réalité cachée qui échappe à notre contrôle et constitue la trame de l’existence humaine. Et même lorsque des pans de culture affleurent à la conscience, il est difficile de les modifier, non seulement parce qu’ils sont intimement intégrés à l’expérience individuelle, mais surtout parce qu’il nous est impossible d’avoir un comportement signifiant sans passer par la médiation de la culture.»

(HALL, Edward T. 1971: 231)

La culture est définie comme la connaissance, les croyances, l’art, la morale, les droits, les coutumes, les techniques, les habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société. Dans les multiples définitions de la culture en général, nous considérerons celle-ci comme étant l’ensemble des formes acquises de comportements dans les sociétés humaines. Ainsi, pour comprendre une culture, il faut partager des manières de vivre, il faut «pratiquer cette culture», ce qui implique un travail commun de la réflexion et de l’action. La culture relève ici d’une démarche à la fois individuelle et collective, intellectuelle et pratique. L’attention est portée sur un ensemble de phénomènes plus diversifiés, qui comprend les moeurs, coutumes, usages et croyances, la morale, les arts et les lois. Cette définition nous permet d’entrevoir un réseau complexe et dynamique de relations, une culture qui est à la fois a priori et processus, qui tient de ce qui prédispose [un a priori] chaque membre d’une société donnée à certains comportements, attitudes, valeurs, tout en étant ce par quoi chacun peut se faire créateur de formes nouvelles [un processus]. Autrement dit, cette valeur du mot permet de comprendre en quoi la culture est ce qui précède l’individu et les communautés tout en étant produite par eux. Du reste, elle se distingue de tout autre définition en ce qu’elle n’admet pas la réduction de la culture à un système fini et autonome d’objets ni non plus de connaissances. La culture est imprévisible et indénombrable. Elle n’est pas un ensemble de phénomènes, quelque chose qui apparaît au regard. Elle est plutôt une condition générale des phénomènes qui ont pour nous du sens.

La culture considérée de la sorte [racine de ‘culte’] est: «le soin que les hommes portent à ce qui leur appartient en propre», comme le rappelle Hannah ARENDT, et est: «un mode de relations avec les choses du monde», en quelque sorte la manière dont les hommes sacralisent leur rapport aux éléments du monde. Matériel social, normatif et symbolique, la culture est en philosophie, selon CHOMBART DE LAUWE: «les manières de penser, sentir et agir, et les croyances qui, liées aux transformations techniques et économiques, ont une action en retour sur elles.» Il y a réciprocité de la culture et de son objet, interaction. Dans le domaine de l’anthropologie culturelle, «la culture est de tout complexe ce qui inclut la connaissance, la croyance, l’art, le droit, la morale, la coutume et toutes les habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société.» (TYLOR, Primitive Culture, 1871 cité in GDT) Cette définition est proche du sens donné au terme allemand ‘Kultur’. Selon John DEWEYEY, «[...] ce complexe de conditions qui fixe les termes selon lesquels les êtres humains s’associent et vivent ensemble est résumé dans le mot culture.»

«Quand je prends la parole, je ne me limite donc pas à faire résonner un langage antérieur qui

prêterait à mon discours les éléments de son articulation. Je reprends aussi à mon compte une

certaine distance entre un sens premier du monde disséminé dans la praxis propre à mon contexte

collectif et un univers second où ma communauté historique tâche de se donner, comme horizon,

une signification cohérente d’elle-même. Cette distance et les deux pôles qui l’indiquent, c’est

bien ce qu’il faudrait entendre par le concept de culture. Celle-ci consisterait en deux fédérations

opposées des symboles, des signes, des objets privilégiés où le monde prend sa forme et sa

signification pour une communauté de conscience.»

(DUMONT, Fernand 1968: 62)

Nous ne possédons pas tous la même distance à la culture: La distance du «commun» est celle du plus grand nombre. C’est ainsi qu’il existe une autre distance, une distance différente du contexte collectif, et même parfois du contexte historique: la contre-culture. Culture d’un seul ou culture d’une minorité, elle s’oppose à la culture en général, et rend son existence réciproquement liée à elle. Pour qu’il y ait contre-culture, il faut qu’il y ait culture.

La culture se rattache à la mémoire et implique une exploration des rapports entre tradition et modernité, de la valorisation ou de la critique du progrès matériel, moral ou intellectuel, en un mot de l’innovation. La modernité se caractérise par une progressive dissolution des frontières qui, tout en délimitant un territoire géographique, circonscrivaient aussi la culture d’un peuple donné. La culture correspond aussi à la limite, la frontière. À une culture donnée, il y a un territoire déterminé. Le questionnement qui vient lier cet ensemble de problèmes est celui de la façon dont on peut appréhender les objets produits par la culture.

Médiation

L’homme passe par la médiation de la culture pour appréhender le monde sensible, la nature.

Nous reprendrons à notre compte les propos d’Edward T. HALL, dans La dimension cachée. De la sorte, la dimension culturelle de l’homme correspond à un vaste réseau de communications à plusieurs niveaux, comme nous avons pu le noter dans la définition de Fernand DUMONT citée plus haut. Les individus appartiennent à des cultures différentes qui habitent des mondes sensoriels différents (p.8). Pour communiquer entre eux, ces individus passent par ce qu’on appelle la médiation de la culture. C’est cette même médiation qui a lieu lorsque l’on considère le passage du monde visuel au champ visuel: le monde visuel est là sous nos yeux, passant par eux, notre cerveau en fait la synthèse, interprète, et c’est ce qui est vu, c’est le champ visuel (p.112), le monde tel qu’il est, au travers de la médiation de la culture.

L’homme est un animal qui a été capable de créer des extensions de son propre corps; ainsi, pour communiquer avec un autre individu ou avec le monde extérieur, nous sommes devenus capables de nous abstraire complètement du rapport physique à ces derniers: «L’homme a su se créer de tel prolongements de son corps qu’il en oublie l’enracinement de son humanité dans sa nature animale.» (HALL, Edward T. 1971: 16)

Il y a façonnement mutuel entre l’homme et sa culture.

Territoire de la culture

«Nous le redirons sans cesse, la culture est pour l’homme distance de soi-même à soi-même. Elle est à la fois l’origine et l’objet de la parole.» (DUMONT, Fernand 1968: 53)

«[La] Territorialité [...]: on la définit généralement comme la conduite caractéristique adoptée

par un organisme pour prendre possession d’un territoire et le défendre contre les membres de sa

propre espèce. [...]La territorialité existe aussi chez l’homme qui a inventé bien des manières de

défendre ce qu’il appelle sa terre, son sol, ou son espace. Enlever les bornes, comme entrer dans la

propriété d’autrui sont, dans l’ensemble du monde occidental, des actes punis par la loi.»

(HALL, Edward T. 1971: 22,24)

«La culture existe dans un espace donné. On perçoit la spatialité de la culture dans la répartition des savoirs et artefacts [...]» ( COUROURVILLE, Serge 1995: 34). C’est ce en quoi on peut parler de territoire de concert avec la culture. En architecture, la culture est représentée comme les traits d’une communauté qui se traduisent dans son identité et dans ses espaces. La trace d’une culture se révèle dans sa territorialité. C’est en cela que la culture existe dans le vocabulaire du géographe. Décrire, se remémorer et nommer sont des actions indispensables au phénomène d’identification populaire (d’un peuple) à une époque, une culture, un territoire: «savoir nommer, c’est déjà un peu se payser» (PERRAULT, Pierre anthropo-documentariste québécois). Quelque chose que l’on ne nomme pas dans un environnement, n’existe pas en soit, et ne permet pas d’exister soi-même comme un individu dans ce milieu. «À chaque représentation du corps de la personne correspond une vision du monde qui conditionne les rapports, et les relations à la personne elle-même, entre les personnes, à l’environnement, au monde et à l’univers.» (DOUTRELOUX, Albert in CHARRIN 1995: 283)

La culture est évolutive; elle s’active dans le temps et dans l’espace de ceux qui l’habitent. Son lieu c’est le monde; nous nous l’approprions par l’expérience des espaces, par l’architecture des lieux. Elle peut être perçue tantôt comme lieu, tantôt comme la cause et le résultat de la territorialité. C’est à travers les dimensions mentales, spatiales ou territoriales que les membres d’une civilisation se découvrent et se reconnaissent une authenticité. Grâce aux frontières territoriales qu’ils délimitent ou imaginent, les membres d’une collectivité s’affirment et s’affichent dans un environnement dans lequel ils ont confiance et auquel ils se sentent appartenir.

L’identité et le sentiment d’appartenance s’expliquent par les lieux, ou territoires: ceux des origines, ceux de la naissance et enfin ceux de la vie. Ainsi, la culture transite et se façonne au passage de ces territoires. C’est cette expérience de l’espace qui fait trace.

Inter-connectivité et existence

Du reste, il nous paraît essentiel de nous en tenir à l’idée d’une culture comme processus, car les présumées frontières culturelles, déjà fortement ébranlées dès le début de la modernité, ont volé en éclats dans le monde contemporain, à l’ère de la communication globale et instantanée. Dans ce contexte, les manifestations perçues comme le propre de telle ou telle culture sont rapidement accessibles; toute culture devient perméable. Il n’est pas surprenant que cet accès facile donne souvent une impression de connaissance et que différentes communautés expriment le besoin d’une réelle reconnaissance identitaire. L’homme est un individu social, il vit individuellement et existe comme groupe.

Forme de la culture

En somme, nous dirons que la culture est tout sauf une «somme». Bien qu’elle se révèle dans une collectivité par le biais des comportements, usages, et moeurs qu’elle tend à déterminer, ce que nous entendons par culture, quoique balisé, reste vague, perméable, fuyant comme les lignes rhizomiques décrites par Gilles DELEUZE, et Félix GUATTARI dans Milles Plateaux, ces lignes de fuites, sans origine, ni direction précise, elles fuient. Toute tentative de prêter une forme permanente à cette culture comme condition de notre fonctionnement est vouée à l’échec.

Penser l’unité de toute la culture, de la culture en général, il nous faut construire une instance à partir de laquelle nous pouvons nous représenter aussi bien l’homogénéité que la fragmentation, c’est un peu le reproche fait à la vision «fixiste» de la culture par HALL. Nous avons ici affaire à une échelle dont l’extension est a priori maximale. L’intuition nous dit: à une extrémité, on trouve l’humanité toute entière, avec ce qu’elle doit avoir de catégoriquement et de nécessairement commun; à l’autre, on trouve chaque individu, pensé selon sa singularité la plus fermée sur elle-même. Mais, demandons-nous, dans quelles circonstances et à quelles fins avons-nous recours à de telles formulations de nos choix réels? La réponse doit avoir une forme qui ressemble à celle-ci: quand nous avons affaire à des questions qui nous apparaissent comme étant de pure raison, répondant à une nécessité organique, ou bien à des sujets dont l’intimité nous semble telle qu’aucun regard externe n’y a droit. Autrement dit, nous ne pouvons construire ces instances que quand il nous semble avantageux de présenter l’un contre l’autre les deux termes d’une opposition extrême, qui met face à face l’universalité radicale et l’intimité absolue.

CULTURE Universalité radicale, commun (Fragmentation) <-> Intimité absolue, singularité (Homogénéité)

En des termes voisins de ceux de Wittgenstein, comprendre une culture, c’est voir comment les actions, les institutions de toutes sortes et les discours sont construits et s’agencent en un ensemble de formes dans lesquelles nous nous reconnaissons, à un titre ou à un autre, de telle manière que pour parler de soi, on parle aussi d’elles.

Identité

Le «on», si indéterminé soit-il, acquiert une culture, s’approprie certains de ses éléments et en rejette d’autres, emprunte des éléments à d’autres cultures selon sa position propre et transmet ainsi une culture filtrée par l’angle qu’il adopte sur le monde. La culture est aussi le rapport à l’autre. Elle est le lieu où s’articulent les échanges entre l’individu et la communauté (ou la société); c’est donc par extension la question de l’identité, de la diversité.

«Parler de «multi-culturel», c’est présupposer qu’il y a des cultures constituées, identitaires,

closes, et que leur coexistence est un problème à résoudre. C’est comme parler d’ «intersubjectivité»:

on présuppose des sujets, et on se demande comment aller des uns aux autres! Mais la culture est

un angle de vue ou de prise sur les choses qui ne s’ouvre que dans et par une co-ouverture avec

d’autres. C’est comme une langue: une seule langue, c’est plusieurs langues.»

(PONTBRIAND, Chantal 2000: 17)

Suivent des extraits de textes issus de la littérature exprimant le rapport de l’homme à la culture et à son identité.

«Monologue de l’aliénation délirante» (MIRON, Gaston 1970: 58-59)

«[I-II] III or je suis dans la ville opulente la grande Ste. Catherine galope et claque dans les milles et une nuits des néons moi je gis, muré dans la boite crânienne dépoétisé dans ma langue et mon appartenance déphasé et décentré dans ma coïncidence ravageur je fouille ma mémoire et mes chairs jusqu’en les maladies de la tourbe et de l’être pour trouver la trace de mes signes arrachés emportés pour reconnaître mon cri dans l’opacité du réel IV Or je descends vers les quartiers minables bas et respirant dans leur remugle je dérive dans des bouts de rues décousus voici ma vraie vie - dressée comme un hangar débarras de l’Histoire - je la revendique je refuse un salut personnel et transfuge je m’identifie depuis ma condition d’humilié je le jure sur l’obscure respiration commune je veux que les hommes sachent que nous savons»

DAVIES, Robertson, Les Anges rebelles, 1990: 12-13

«-Je m’appelle THEOTOKY. -Quel nom merveilleux! Le prononcer est un vrai plaisir! Mlle THEOTOKY. Mais Mlle quoi THEOTOKY? -Si vous tenez absolument à le savoir, mon nom entier, c’est Maria Magdalena THEOTOKY. -De mieux en mieux. Mais quel contraste! THEOTOKY - avec l’accent tonique mis fermement sur le premier o - accolé au nom de la célèbre pécheresse du corps de laquelle notre Seigneur chassa sept démons... Vous n’êtes pas canadienne, je présume? -Si -C’est vrai, j’oublie toujours que n’importe quel nom peut être canadien. Mais, dans votre cas, il doit être de fraîche date. -Je suis née ici. -Mais vos parents viennent d’ailleurs, c’est cela? De quel pays? -D’Angleterre. -Et avant ça? -Pourquoi voulez-vous le savoir? -Parce que je suis un grand curieux. Et que vous éveillez la curiosité, ma chère, comme toutes les filles très belles. Bien entendu, vous savez que vous êtes très belle. Mais ma curiosité à moi est tout à fait bienveillante et paternelle, je vous assure. Vous n’êtes pas de ces jolies roses anglaises. Vous êtes quelque chose de plus mystérieux. Votre nom - THEOTOKY - signifie «porteur de Dieu», n’estce pas? Ce n’est pas du tout anglais, ça! Dans un esprit de curiosité et de sympathie chrétienne, je vous repose donc ma question: où étaient vos parents avant de vivre en Angleterre? -En Hongrie. -Ah! Nous y voilà! Et vos chers parents ont eu la sagesse de foutre le camp quand il y a eu des troubles là-bas, exact? -Tout à fait exact. -Confidence pour confidence, et les noms étant quelque chose d’extrêmement important, je vous parlerai du mien. Il est d’origine huguenote. Il y a fort longtemps, je devais avoir un ancêtre très éloquent, d’où son patronyme. Après plusieurs générations en Irlande, celui-ci se transforma en PARLABANE, et maintenant, après plusieurs générations au Canada, il est tout aussi canadien que le vôtre, ma chère. Sur ce continent, nous avons la bêtise de penser qu’après cinq cents générations passées ailleurs, nous devenons complètement canadiens -des Nord-américains prosaïques et réalistes - en l’espace d’une seule courte vie. Maria Magdalena THEOTOKY, je sens que nous allons être de grands amis.»

On comprendra alors que toute identité ne saurait être reconnue que ce par rapport à quoi elle peut être distinguée, mais également que les frontières de cette identité tendent à se transformer, à se modeler aux situations. Une culture différente, c’est une altérité différente. Ce qui caractérise la culture (la Nôtre), c’est sa confrontation à d’autres cultures (qui par essence sont forcément différentes de la Nôtre): les différences, se nourrir des différences pour en nourrir le projet, le projet d’une culture, le projet de son identité. L’Autre, c’est forcément la différence. L’Autre n’existe que parce qu’il est différent de Moi, et réciproquement. On se nourrit Soi parce que l’on découvre la différence, on nourrit le projet parce que l’on cultive cette différence.

«Contrainte extérieure à demeurer conforme à une image: être d’une culture, c’est comme être poisson ou oiseau. On ne discute pas de l’eau ou de l’air, on n’en a pas conscience, on ne doit pas en avoir conscience. C’est un point de départ, aussi inconscient et nécessaire que ces mouvements involontaires qui maintiennent notre équilibre, et trop y penser nous fait trébucher. Se voir jeter sa culture à la face, quelle incertitude en naît qui donne ce malaise? Rôder en permanence autour de son point de départ sans jamais partir, quelle assurance manque à celui dont on conteste les absolus sans lui donner la liberté d’en construire d’autres, car on est toujours là, toujours présent pour les effriter?»

(BENOIST, Jean-Pascal 1965: 402)

Cultiver, c’est d’abord et avant tout travailler dur, laborieusement. «Plus fondamentalement [...], on dira que la culture représente le travail auquel se livre une collectivité sur elle-même pour exister et se reproduire comme entité sociale, se maintenir et changer; en définitive, elle est création et re-création d’un monde.» (SÉGUIN, Normand in BOUCHARD 1993: 214) La survivance de la culture est conditionnée par sa capacité à se re-créer sans cesse; c’est l’identification de l’individu en tant que membre d’une culture qui sous-tend son existence.

Culture, Identité, Histoire

Les préoccupations actuelles des architectes (outre le célèbre développement durable) sont en partie dirigées vers la nécessité de faire exister le projet architectural dans un contexte d’histoire, dans le lieu d’une culture, et qu’ainsi naisse l’identification des usagers au produit de l’architecture, l’espace, comme le montre cet extrait d’un acte du dernier congrès international d’architecture à Berlin:

Q.5_ “How can regional identity in architecture, economy and society be perceived as an added value and how can it be continued in a modern guise?”

A.5_ “The mood is favorable for regionalism because the need for regional identity is increasingly being expressed not just by traditionalists, but also by forward-looking politicians and key companies. However, regional identity can only emerge out of a respect for history and from the bold shaping of the future.” (Questions du comité scientifique in Resource Architecture 2002) «L’opinion est favorable au régionalisme parce que le besoin d’une identité régionale est de plus en plus exprimé pas seulement par les traditionalistes mais aussi par des politiciens tournés vers l’avenir et certaines firmes clef. Cependant, l’identité régionale ne peut venir que d’un véritable respect pour l’histoire et d’une détermination audacieuse de l’avenir.» (tda)

Préjuger les cultures

L’exemple qui suit pourrait paraître ridicule, mais il constitue une bonne illustration de ce que l’on entend par préjuger les cultures tout en lui donnant suffisamment de distance pour ne pas traiter des dérives de ces préjugés (les théories raciales par exemple); aussi nous ne considérerons pas le terme préjugé dans sa connotation négative, synonyme de a priori.

Chez les animaux: comment se peut-il que les lapins en viennent à manger des carottes [dans notre imaginaire collectif]? Quelqu’un a t’il déjà vu un lapin à l’état sauvage, manger des carottes? Comment cela se pourrait-il d’ailleurs car les carottes ne se sont jamais, auparavant, trouvées dans les prairies et les forêts en grande quantité (mais les tubercules de source sûre). L’ours mange du miel, c’est bien connu, mais hormis nos iconographies «disneylandesques®», avez-vous vu nourri un ours avec du miel dans un zoo, ou mieux se nourrir d’une ruche dans la nature? Tous ces clichés sont pourtant bien ancrés, ils siègent parmi nos préjugés culturels les plus avérés, et ne sont pourtant que des vues de l’esprit. Personne n’a jamais vu un lapin une carotte dans le bec, ni même un ours avec une ruche entre les griffes. Les faits avérés de ce genre ne sont que des images d’Epinal de notre «conscience» collective, ils nourrissent nos faits et gestes et leurs donnent une assise de sens (pour ne pas dire sémiotique). Leur véracité ne saurait être remise en cause, et pourtant les faits démontrent leur fausseté.

De ces exemples, nous sommes en mesure de comprendre que les images que nous pouvons créer de peuples différents et de leur culture respective sont très souvent erronées _ même si nous pouvons supposer que des faits ont bel et bien été l’origine de ces préjugés.

Différences

Nous nous sommes longtemps demandé s’il convenait de comparer les différentes cultures rencontrées, et en quoi cela pourrait servir le projet d’architecture. La différence à soi-même, c’est l’identité qui se forme. L’ethnicité ne se comprend que dans un système de rapports, et de situations d’altérités, comme nous l’avons explicité dans l’introduction: 1=Seul, 2=Confrontation, 3=Altérités.

C’est donc dans le sens de l’altérité des cultures que nous tenterons d’extirper des nourritures pour le projet.

Sur quels éléments de la culture pouvons nous baser notre approche comparée: Apparence, Costume, Nom, Origine, Famille, Lien, Territoire, Langue, Religion, Attitude, Caractère, Identité. Ces différents points sont tout aussi discutables que viables.

Edward T. HALL, dans La dimension cachée, utilise très souvent la comparaison entre les milieux des sociétés animales et les sociétés humaines. Ainsi, il constate que les cultures se distinguent, par exemple, les unes des autres par leur proxémie respective (autrement dit les différentes remarques relatives à l’utilisation de l’espace par l’homme), c’est à dire une notion différente de l’espace sensoriel. Ainsi, la distance de fuite, la distance critique, la distance sociale et la distance personnelle (p.24) sont tout à fait différentes d’une population animale à une autre, et par extension, il en est de même chez les humains. Les Français sont plus habitués au contact rapproché que les Américains, qui fonctionnent avec une distance sociale beaucoup plus grande. Le rapport au temps et à l’espace est, d’une manière générale, bien différent d’une culture à l’autre (p.162). Les Américains mènent de nombreuses activités de front et n’ont que très peu de temps pour eux. Par ailleurs, leur rapport à ce qu’on appellera l’intrusion spatiale est chez eux une différence tout aussi marquante: nous n’entrons pas chez un Américain tant que nous n’avons pas passé les différents paliers de l’intimité étasunienne. Le terrain est habituellement non clôturé, ainsi il pourrait paraître à un Européen que ce terrain est public. Passé ce premier palier privé, si l’on sonne chez quelqu’un, il ouvrira sa porte et restera situé derrière sa porte à moustiquaire. Ce système de double barrière vous indique que vous n’êtes pas encore entré dans le domicile sacré américain: le fameux «home sweet home». L’intrusion spatiale ne peut donc avoir lieu qu’à partir du moment où vous passez finalement cette double porte.

Le rapport à la proximité est mis aussi en évidence dans la confrontation des comportements de travail. Les américains, ayant particulièrement peur des complots, considèrent qu’une personne ne doit pas travailler dans son bureau sans en garder la porte ouverte. La confrontation avec les comportements européens est intéressante dans les multinationales américaines ayant des filiales en Allemagne ou en France où la porte du bureau est par essence fermée. Le travail entre collaborateurs doit être savamment orchestré tant dans l’architecture des lieux que dans l’organisation du travail afin de respecter ces différences culturelles dans l’appropriation de l’espace.

Il est donc difficile de penser les espaces de manière similaire d’une culture à une autre sachant que la perception du monde sensoriel de chacune d’entre-elles est différente et que leur organisation respective l’est tout autant.

Choc Culturel: exemple bushesque

Parler des gens de Lafayette, c’est parler des Étasuniens du sud, des gens foncièrement croyants, pratiquants autant la religion pour leur dieu que pour leur pays. Ainsi, outre la ferveur religieuse fortement développée, ils font preuve d’un patriotisme acharné (et aveugle). Ce dernier terme peut paraître un peu fort, mais nous allons expliquer tout de suite.

Lors de la dernière campagne de guerre menée contre l’Iraq par George W. BUSH, et les États-Unis dont il est le chef des armées, j’ai été offusqué par l’absence de réaction des citoyens américains contre ce nouveau conflit injustifié. Pour ajouter une petite pierre à l’édifice de protestations (cette petite pierre s’est avérée être un pavé dans une mare d’aveuglement), j’ai envoyé un courriel à tous mes contacts et amis des États-Unis demandant leur opinion, réactions, au conflit et à l’ingérence américaine _ qui, moi, m’offusquaient. Les réponses ne se sont pas fait attendre. En l’espace d’une semaine, le résultat était éloquent. Je n’en retranscrirai que deux des plus significatifs, sachant que 90% des réponses allaient dans le sens d’un patriotisme «borné» par Dieu et la patrie:

-D. R., professeur PhD, Tulane University, considère le point de vue européen comme nul et n’ayant rien à voir dans le conflit, ni de près ni de loin. Il a souligné que la France et bon nombre de pays européens ont procédé de la même manière lors du dernier siècle, et que cela ne dérangeait personne [ou presque, quand on considère les vagues de contestations dans les différents pays européens et le soin pris par les gouvernements pour agir aussi cachés que possible]. Bien que n’ayant pas voté pour ce président, il considérait que ce choix était le bon et que la justification de son président était amplement suffisante.

-J. H., Co-responsable d’une radio publique de Louisiane, quant à lui, catholique radical, partisan de Dieu et de BUSH, considère que personne ne peut se permettre de critiquer les choix de SON président et de SON pays, terminant son bref courriel par une formule éloquente alors que la conquête de l’Iraq se continuait: “May God bless you, your family, and your country.”

À l’occasion de ces réactions de gens que je croyais assez bien connaître, j’ai pu mesurer l’ampleur de ce que peut être une différence culturelle remise à l’échelle mondiale: au total 1 millions de manifestants anti-guerre aux USA, 3 Millions au Québec, autant en France, et en Angleterre, et 5 millions en Italie, ... C’est ce qu’on appelle expérimenter un choc culturel, et l’expérience montre qu’on n’est jamais à l’abri de tels chocs.

Différence(s) propre(s)

Continuons à traiter des différences culturelles en prenant arbitrairement certains des comportements caractéristiques de chacune des

cultures considérées et cela de la plus proche à la plus éloignée:

Rennes, Bretagne, France

RNS_BZH_FR -Les Bretons sont connus comme étant des personnes chaleureuses et avec qui on peut avoir des amitiés durables et sincères, mais ils sont aussi connus pour être très froids et des plus frustres lors d’un premier contact. [La lenteur de prise de contact est caractéristique des peuples de marins.] Toute personne née en Bretagne administrative se réclamera aisément de la «nationalité» bretonne, bien que celle-ci soit toute relative (le breton a été très peu parlé en Ille-et-Vilaine par exemple). Par ailleurs, cette identité est aujourd’hui un peu dissoute dans la culture française, il n’en reste que le folklorisme avec toutes ses connotations négatives.

S’il est un caractère particulier développé par les français, c’est bien le chauvinisme quasi maladif, caractère aussi ancré en nous que le plaisir de faire de bonnes ripailles. Pourtant la rigueur est là, bien présente dans la société française, mais elle est représentée par une lourdeur administrative et une centralité des affaires, des idées, ... (HALL, Edward T. 1971:181). Outre ce rapport central à l’administration, les Français sont relativement connus en Europe pour leur désobéissance civile: «une loi est faite pour être un peu transgressée tout de même.» Chose qui au passage, déplait énormément aux Suisses (!).

Zlín, Moravie, République Tchèque

ZLN_MOR_CZ - Les Zlínois sont en majorité issus de la culture paysanne morave, puis de la culture ouvrière de l’ère Bat’a (Bata, les chaussures). Les Zlínois appartiennent au peuple morave, et plus particulièrement revendiquent l’identité vallakienne (Vallasko), une culture d’agriculteurs basée sur des sociétés anciennement féodales villageoises. Là aussi, le folklore prend peu à peu la part de ce qui reste de la culture vallakienne, et morave. Les Tchèques, quant à eux, sont reconnus pour leur caractère jovial (la bière aidant), humble, et leur rapide hospitalité. Ils sont tout aussi dilettantes que rigoureux (étant encore, on peut le dire, influencés par les années de communisme, récemment issus de l’ex bloc soviétique en 1989). C’est justement cette rigueur socialiste qui caractérise l’administration tchèque. Le rapport à l’extérieur des tchèques est conditionné par le climat et une relation proche à la nature.

Lafayette, Louisiana, United States of America

LFT_LA_USA - La Louisiane et les Louisianais, c’est avant tout un des groupes parmi les plus francophiles et francophones (bien que ce soit discutable) des États-Unis. Malgré une abnégation vis-à-vis de leur nation, ils revendiquent une forte relation de filiation avec la France, et la culture française. Celle-ci est toute relative, car ladite culture française est passée par le filtre de l’émigration via l’Acadie, ou Haïti et s’est aujourd’hui quasi noyée dans la culture américaine. Les Américains font preuve d’un pragmatisme génial, leur système constructif est là pour le prouver: ils sont capables de construire une maison, mobilier inclus, en trois jours si les fondations sont faites à l’avance. En outre, un caractère leur est tout à fait propre, à savoir l’importance de l’aspect extérieur des choses. Cela se traduit particulièrement dans les nouvelles constructions de logements avec l’utilisation de parements extérieurs plastique imitation bois, dont la durabilité moyenne est d’une quinzaine d’années; mais l’apparence est préservée par des couches de peinture fréquentes.

Une Histoire politique du fil barbelé, la partition du pays s’est faite comme une conséquence des acquisitions foncières de la «Conquête de l’Ouest américain». L’apparition du fil barbelé a été la première étape de la colonisation spatiale. Par la suite, la frontière d’une maison américaine n’est plus vraiment constituée par le modèle de la clôture comme c’est le cas en Europe. Ce qui fait école, dans le milieu résidentiel comme dans le milieu universitaire, c’est l’ouverture. Malgré tout, un contrôle invisible est présent, constant. La délation est très répandue, pour ne pas dire d’usage.

Dynamisme de la culture, la culture et le temps

«[...]Érosion n’est pas ruine. Les villes s’établissent sur les ruines des villes plus anciennes, mais le visage qu’on leur connaît n’est pas le résultat d’une action physique du temps sur elles. Il est le résultat des cultures superposées, juxtaposées, parfois figées, parfois ruinées. Mais non érodées. Dans «érosion», il y a déplacement d’énergie, construction de quelque chose d’autre. La nature s’érode, la culture fait ruine.»

( CLÉMENTT, Gilles 1999)

“Cultural values are preserved under the condition that architecture remains capable of change.” (WUSTLICH, Reinhart in Resource Architecture 2002: 107) «Les valeurs culturelles seront prt préservées à la condition que l’architecture soitt capa ble de changements.» (tda)

La culture, essentiellement dynamique, correspond à ce que les individus pensent qu’ils font et qu’ils sont. Elle gère l’auto-représentation de ses membres, grâce à un processus courageux où les actions de chacun peuvent s’inscrire dans le projet collectif et trouver une légitimité autonome. Si un univers culturel est création, voire re-création, c’est également par ces processus que se façonnent ses spécificités, assurées par la présence d’une parole signifiante et d’un geste créateur. Dans son essai sur la critique de la culture, Jean-Guy Meunier (1973: 67) tente de cerner la culture et d’en définir les visées pour l’humanité. La culture y est décrite comme la caractéristique sociale vers laquelle tend l’humanité pour atteindre: «un état de transcendance, un dynamisme à la fois spirituel et historique. Elle est devenue le dépôt et le symbole de l’Humanité [...]; elle est caractéristique sociale, l’émergence du dynamisme de l’esprit.»

La culture est un développement par l’exercice d’une capacité ou d’un domaine de connaissance. Elle est un résidu, stable à court terme, évolutif à long terme, de réflexes et de notions qui restent inscrits dans son organisme à une époque donnée. Il apparaît d’emblée que le temps est inhérent au concept de culture, puisque c’est le temps qui fait exister la culture et lui permet de résonner dans les consciences. «Cette profondeur n’est pas limitée à une seule couche temporelle. Elle est constituée de plusieurs couches superposées, qui donnent leurs richesses aux paysages actuels. D’épaisseurs variables, ces couches reposent sur une trame humaine elle-même très ancienne, en série de strates délimitées par des horizons de textures différentes qui portent encore la trace des remaniements du passé. Comme le sol, cette organisation a été élaborée au fil du temps. Elle montre tous les changements qu’a connu le territoire depuis ses origines. Et comme le profil de ces strates varie selon les endroits, elle laisse aussi le sentiment de durées et même de significations culturelles différentes.» (COURVILLE, Serge in DEROUIN 2001)

La culture existe dans la trame temporelle humaine par le biais de sa mémoire, tant individuelle que collective: «La culture offre à l’homme la possibilité de prononcer un discours cohérent sur des expériences a priori inqualifiables, voire innommables. Du lieu symbolique de ce discours, il peut ainsi transmettre ses récits, «légender» son propre vécu et en faire un tout cohérent et reconnaissable par sa communauté. «La culture est à la fois un legs qui nous vient d’une longue tradition et un projet à reprendre; en un certain sens, elle n’est rien d’autre qu’une mémoire.» ( DUMONTT, Fernand 1995)

«The spirit of time and globalization

«The most important factor is time, i.e. the historical period, in which a building is constructed, thus giving «timely» expression to an inner awareness or feelings. This period of development cannot be repeated or be emulated at some later date because attitudes to spiritual relations and the way they are interpreted change considerably over time. The capacity to grasp the essential meaning of things and the ability to give them expression are both influenced by the time in which people live.» (GOTTLIEB HEMPEL, Andreas in Resource Architecture 2002)

«L’esprit du temps et de la globalisation, le facteur le plus important c’est le temps, c’est à dire la période historique, durant lequel le bâtiment est construit, donnant ainsi une expression temporelle à une conscience intérieure ou à des sentiments. Cette période de développement ne peut être répétée ou être imitée à une date ultérieure parce que l’attitude à des relations spirituelles, la façon avec laquelle elles sont interprétées change considérablement dans le temps. La capacité à saisir la signification essentielle

des choses et la capacité à leur donner une expression sont toutes les deux influencées par l’époque à laquelle les gens vivent.» (tda)

“Changes are inherent in any living culture. It is innovation that will ensure that they are not catastrophic. Marginalized cultures are prone to being treated as irrelevant: completed, finished, consigned to history. In this context, innovation is sometimes seen as inappropriate distortion of a received artifact. Innovation is the acknowledgement of the ongoing cultural viability of a society. Innovation is emergent, not imposed. Innovation addresses fundamental issues; it is radical. In other words, it is rooted.” (KROEKER, Richard in Resource Architecture, 2002: 223) «Les changements sont inhérents à toute culture existante. C’est l’innovation qui assurera que ces derniers ne seront pas catastrophiques. Les cultures marginalisées sont par conséquent traitées comme hors de propos: finies, terminées, consignées dans les archives de l’histoire. C’est dans ce contexte que les innovations sont parfois vues comme une distorsion inappropriée d’un artefact. L’innovation est la reconnaissance d’une viabilité culturelle continue de la société. L’innovation est émergente et nonimposée. L’innovation pose des problèmes fondamentaux; elle est radicale. En d’autres termes, elle est enracinée.» (tda)

Cet enracinement donne une assise sémantique aux faits et gestes de l’Homme. Ce complexe culture-mémoire est la condition du dynamisme indé-fini d’une culture déterminée. «La culture est l’ensemble de ce que l’être humain désormais ne pourra plus oublier.» (FRANCOEUR, Louis 1992 citant l’anthropologue Margaret MEAD)

«Culture Appliquée »

Nous avons pu comprendre de la définition progressive de la culture, en quoi elle peut être un élément appliqué à l’architecture. Une culture différente implique des besoins différents, donc un design architectural différent. Toutefois, dans notre cas, il est important de manier ces éléments de culture (appliquée) avec précaution comme le souligne cet extrait du livre blanc de l’union internationale des architectes (UIA):

“[...] c) Require that the “outside” architect partner with a local architect. There is however an issue not only of materials but also of design. Notwithstanding every architects’ understanding of architecture as a cultural commodity with a history and locale, only the exceptional foreign architect has the skill and time to learn the locale climate, customs and building tradition.” (UIA White Book: 254)

«[...] c) Il faut que l’architecte «extérieur» s’associe avec un architecte local. Ça n’est, toutefois, pas seulement un problème de matériaux mais aussi de design. Néanmoins, parmi toutes les conceptions des architectes, de l’architecture comme une denrée culturelle avec une histoire et un lieu, seul un architecte étranger exceptionnel a la capacité et le temps d’apprendre le climat du lieu, les coutumes, et la tradition constructive.» (tda)

“Culture as a basis of identity, is a divisive form of politics when used as a barrier. The truly modern individual has the identity of a minority one. Group identity, if exclusionist, is an invitation for politic exploitation. Architecture based on such identity is thus a tool of politics, not something to be exonerated in the “New World”. The modern culture project must be “emancipative”. To do so it must be premised on a process of raising human capacity. This is the nexus between architecture and human development. [...] There are natural differences to be recognized and expressed as distinctive qualities but belonging to a shared universe of civil values.” (KHENG SOON, Tay in Resource Architecture 2002: 215)

«La culture comme base de l’identité est une forme de politique de la discorde quand elle est utilisée comme un barrière. Le véritable individu moderne possède l’identité d’une minorité. L’identité de groupe, si elle est exclusive, est une invitation au ramassage politique. Une architecture basée sur une telle forme d’identité est donc un jouet de la politique, et pas quelque chose dont on est disculpé dans le «Nouveau Monde». Le projet de la culture moderne doit donc être émancipateur. Pour qu’il en soit ainsi, cela doit commencer par un processus d’augmentation des capacités de l’humanité. C’est le lien entre l’architecture et le développement humain. [...] Il y a des différences qui doivent être reconnues et exprimées comme des qualités distinctes mais qui doivent appartenir à un univers de valeurs civiques partagées.» (tda)

L’individu, l’architecte, doit être capable de tisser des liens entre des valeurs partagées par lui et par la communauté. C’est dans ce registre de valeurs que le fonctionnementt du bâtiment se jugera à terme.

Ainsi, on peut comprendre les limites d’une architecture culturellement correcte. Le rattrapage politique est très vite fait; en aucun cas l’identification des usagers dans l’espace du bâtiment n’est le fait de l’utilisation de tous les clichés culturels. C’est bel et bien le résultat d’un travail sur le programme, la culture du lieu et l’ingéniosité des rapports entre les différents éléments du projet, usagers inclus.

En somme, «Atmosphere, local identification and memory, sometimes only at a subconscious level, are a veritable gift for a building project in which the existing fabric is to be incorporated in an innovative manner.» (GOTTLIEB HEMPEL, Andreas in Resource Architecture 2002)

«L’atmosphère, l’identification locale, et la mémoire, quelquefois seulement à un niveau inconscient, sont un véritable cadeau pour un projet de construction, dans lequel la structure existante est incorporée d’une manière innovante.» (tda)

De la sorte, des bâtiments de bureaux qui parquent les employés dans de vastes espaces sans perspective ni fenêtres, avec lumière fluorescente et air climatisé, sont de véritables non-sens culturels. Ils nient l’homme et sa culture.

Un élément d’architecture, culturellement valable dans un lieu, peut s’avérer totalement dénué de sens dans une culture différente. Au Viet Nam, par exemple, l’apparition des cyclomoteurs et des voitures dans les grandes agglomérations telles Ho Chi Minh City (Saigon), ou Huê ont rendu les villes saturées tant au niveau des rues que de l’atmosphère. Certaines rues de la capitale sont tout bonnement impraticables pour un piéton aux heures de pointe car la ville a été essentiellement pensée pour des voitures ou des bicyclettes (trafic lent). Ainsi c’est le piéton qui perd sa place. La digression culturelle provoque inévitablement des dysfonctionnements qui se répercutent sur les individus. Un élément de culture peut exister dans plusieurs cultures mais il est obligatoirement filtré par les individus appartenant à un autre paradigme que celui de l’origine: on ne perçoit pas tous les voitures comme quelque chose de négatif, par exemple. On pourrait appréhender un autre exemple: imaginons une table, simple, en bois, achetée chez IKEA, et une nappe, en coton, blanche, il y a de la dentelle sur les franges. Ajoutons un vase (comme chez grand-mère, ceux qui sont en cristal avec beaucoup de fioritures) une orchidée dedans, des assiettes blanches, des couverts identiques à ceux de l’odyssée de l’espace (le film de KUBRIK). Arrêtons-nous pour regarder: on se demande s’il n’y a pas de faute de goût, de non sens entre les différents éléments. Cette faute de style est-elle plus insensée que ce que nous considérons comme le culturellement correct?

En somme, ce serait une erreur de considérer la culture comme circonscrite à un territoire. Les éléments qui la constituent sont fuyants. Faire une architecture culturellement viable serait en quelque sorte faire la somme, la synthèse, de ces différents éléments et la formaliser dans un espace de vie. Mais le mélange, la somme, la diversité des solutions apportées dépendent certainement de cet environnement de sens, bien que ce paradigme soit difficile à considérer comme un fait à part entière.

02.Université(s)

L’Université c’est:

Une école La ville La recherche La recherche d’une identité La formation La profession Le milieu professionnel Le commerce, l’économie libérale Les autres Le monde La culture

Des termes qui précèdent, on peut lire les préoccupations actuelles des membres de la communauté universitaire et cela quelque soit le pays concerné. Ces préoccupations sont générales et issues des mutations récentes tant des universités que des sociétés et du monde en général. Nous définirons, premièrement, ce qu’une école peut être et quel principe d’éducation en est inhérent. Nous esquisserons une synthèse de l’histoire des universités, explorerons le rapport de la surveillance au travers de la dialectique prison-éducation, puis traiterons de l’éducation de masse, pour terminer sur des commentaires relatifs au dernier Plan d’Architecture Nouvelle sur la ville et les universités et des remarques relatives à l’architecture des universités; et ce, avant d’aborder la question des projets.

Écoles

“Schools began with a man under a tree, a man who did not know he was a teacher, discussing his realizations with few others who did not know they were students. The students reflected on the exchanges between them and on how good it was to be in the presence of this man. They wish their sons, also, to listen to such a man. Soon, the needed spaces were erected and the first schools came into existence. The establishment of schools was inevitable because they are part of the desires of man.”

«Les écoles ont commencé par un homme sous un arbre, un homme qui ne savait pas qu’il était professeur, discutant de ses réalisations avec quelques-uns qui ne savaient pas qu’ils étaient étudiants. Les étudiants réfléchissaient sur ces échanges entre eux et à quel point il pouvait être intéressant de se trouver en présence de cet homme. Ils espéraient que leurs fils puissent aussi écouter cet homme. Bientôt, les espaces nécessaires furent construits, et les premières écoles sont nées. L’établissement des écoles était inévitable parce qu’elles faisaient partie des désirs de l’Homme.» (tdaa)

(KAHN, Louis I. 1993: 31)

Cette conception, certes un peu idyllique, de l’école et de l’éducation peut servir avec intérêt l’architecture des bâtiments universitaires par son contenu symbolique et poétique. Simplement, on peut penser l’éducation comme le dialogue entre plusieurs hommes, apprenant les uns des autres, tant et si bien, que par la transmission de leurs connaissances respectives ils fassent le bien autour d’eux. La symbolique du grand arbre est utilisée pour signifier l’abri et les ramifications du savoir qui protège. L’école, ça n’est pas l’arbre mais bien plus les fruits de cet arbre, ces fruits qui nourriront la société.

Le texte qui suit montre une opposition de but pour l’école qui s’illustre par le moyen des bâtiments d’enseignement (ou par leur absence). Faire l’école ainsi à l’air libre et se protéger simplement des intempéries peut paraître idiot à des tchèques par moins quarante en hiver. Toutefois, une même image du maître et de ses élèves en rond autour de lui est décrite et s’oppose aux «enclos du savoir» français, par exemple:

«Mais, en revenant du phare, je trouvai un autre maître d’école assis sur l’herbe, celui-ci et ses élèves assis en rond autour de lui en tailleur breton. Ces élèves tenaient leurs cahiers sur leurs genoux sur lesquels ils écrivaient de droite à gauche sous la dictée du maître, en faisant craquer leurs plumes de roseaux. C’était l’école arabe, école de hameau sans doute, que j’estimais faite dans de meilleurs conditions que toutes nos écoles de français et autres. Car ce maître faisait son école partout, au soleil quand il faisait froid, à l’ombre quand il faisait trop chaud, au bord de la mer, dans le bois, sur le gazon et sur les rochers, c’est à dire en liberté et en présence de la nature. Tandis que nos écoliers à nous sont renfermés, hiver comme été, dans des trous étroits, entourés de murailles où ils ne voient rien et n’apprennent rien que des mots et des phrases, au moyen desquels ils deviennent bacheliers, imbéciles et inutiles, nuisibles à eux-mêmes et plus encore à la société. Ce n’est pas en enfermant les oiseaux en cage qu’on leur apprend à voler et à se pourvoir de nourriture. Et comme pour se moquer du public, on appelle chez nous écoles libres, celles qui sont le mieux fermées et qui ont les plus hautes murailles.» (DÉGUIGNET, Jean-Marie 1998: 220-221)

L’école de Jean-Marie DÉGUIGNET est celle de la vie, celle d’un paysan breton autodidacte du début de siècle dernier. Il décrit une classe qu’il rencontre alors qu’il est en faction au nord de la Tunisie, puis la compare aux écoles libres et religieuses de la Bretagne de son temps. Cette comparaison des opposés montre la distinction de perception qu’il peut y avoir des espaces d’enseignement. Une société de l’islam libre et une société de maîtrise du peuple par le clergé catholique n’ont dans leurs écoles ni les mêmes moyens ni les mêmes fins. Quoiqu’il en soit les maximes de l’éducation, racines des écoles françaises, restent la discipline et la rigueur tant du savoir que de la piété. L’école et par extension l’université sont avant tout des lieux d’échange. Certes, cet échange est par trop unidirectionnel, pour échanger il faut être deux, et le retour des élèves au professeur n’est pas d’égale valeur (malgré le nombre des étudiants). On peut se poser la question de savoir si c’est simplement la structure de l’enseignement ou bien les lieux de l’enseignement qui sont la cause de ce dilemme. Peut-être est-ce le fait que l’on considère l’élève comme chargé d’un savoir inné plus grand qu’il ne l’est.

Quoiqu’il en soit, les bâtiments d’écoles ont rarement reflété l’ouverture d’esprit de ses utilisateurs.

Histoire des universités

On ne peut décemment pas se consacrer à la création d’espaces universitaires sans chercher à en connaître un minimum l’histoire et les mutations anciennes qui ont amené à la forme actuelle des bâtiments universitaires en Europe, entre autres.

De la naissance des universités au XIII ième siècle, on peut retenir les premières structures associatives de maîtres, ou d’écoles prodiguant des enseignements, et cela à Paris, Bologne, Oxford et Montpellier à peu près simultanément. Dans le Sud de l’Europe, en pays Méditerranéens, on voit se former au contraire des associations d’élèves. Leur point commun est que ces associations en universités se sont données des statuts et des représentants élus (on peut parler des premières démocraties en Europe, existant sous la forme de l’université). Ces associations ne sont pas survenues ex nihilo, elles sont au contraire issues d’une longue tradition, de l’école Aristotélicienne, jusqu’aux écoles de médecine ou de droit en passant par les écoles du haut moyen-âge. Ce sont ces dernières, écoles de cathédrale, qui subissent un déclin à la fin du XII ième siècle et permettent une réorganisation et un reclassement des centres de savoirs. On a pu attribuer cet essor récent des écoles à la volonté de l’église de faire gérer ses affaires par des personnes lettrées et savantes, afin d’administrer les affaires publiques comme celles de l’État. Dans un premier temps, elles ont écarté le pouvoir ecclésial, elles se sont bien vite, ensuite, trouvées sous le sceau de la papauté. La Révolution, en France, a bouleversé pour un temps les centres de formation des élites, puis a connu un nouvel essor sous Napoléon Ier. Le modèle germanique s’est imposé par la suite transformant l’université en centre d’enseignement et de recherche

Les bâtiments alors construits pour accueillir l’enseignement supérieur reflètent les aspirations des étudiants et des professeurs. Ces monuments de l’enseignement, par exemple la Sorbonne à Paris ou bien le campus d’Oxford, font de l’éducation une institution de la société au même égard que l’Église ou l’aristocratie. Les formes typologiques et urbaines de ces bâtiments sont pourtant différentes dans leur degré d’intégration à la ville. Ce sont les guerres du début et du milieu du siècle qui ont fait basculer les universités dans des organisations pour l’éducation des masses. On assiste à un changement d’échelle des populations concernées. On tient alors de plus en plus compte des aspirations des étudiants, et des capacités d’insertion professionnelle. Mais le besoin de bâtiments pour abriter ces étudiants se fait de plus en plus pressant. C’est ainsi qu’au cours des années soixante, en France, sont construits des campus ex nihilo. Les bâtiments sont de qualité très moyenne, tant au niveau architectural que fonctionnel, et sont là pour pallier au plus pressé. Ainsi, on passe de la forme du Palais à la forme du Supermarché (grande surface et plusieurs étages simples en terme de plan et facilement re-partitionnable) d’un point de vue typologique.

De tout temps l’université a reflété les préoccupations de la société. Elle a bien souvent été le vivier des mouvements sociaux, ou bien a servi les intérêts politiques pour l’agitation sociale: «Ainsi, malgré toutes les transformations qu’ont connues les universités depuis le XIII ième siècle, cette fonction critique demeure sans doute le véritable fil rouge de cette aventure intellectuelle toujours menacée par les pouvoirs sociaux (ou politiques) depuis sept siècles.» (CHARLE, Christophe et VERGER, Jacques 1994)

Une histoire prospective des universités françaises semble aujourd’hui difficilement imaginable. Toutefois, on peut supposer que les universités, aujourd’hui supermarchés du savoir, où les étudiants souhaitent trouver tous les produits, vont de plus en plus s’orienter vers le partenariat avec les collectivités locales, comme cela fût préconisé et organisé à la suite du programme « UUniversité 200»: Programme d’état avec partenariat communauté urbaine-département-région pour la construction de 7 universités nouvelles, d’IUT, la création de pôles européens et la création de bâtiments supplémentaires et la rénovation de bâtiments des années 60, soit au total plus de 1,5 millions de mètres carrés construits depuis le début du lancement du plan dans les années 90. Les universités françaises sont dès lors devenues des compositions d’objets architecturaux bien souvent sans véritable unité de sens hormis la couleur des briques ou le nom des pavillons. On va vers un éclatement et une spécialisation poussée des différents bâtiments tout en préconisant des espaces sans qualité autonome propre (cf. Chapitre suivant). La salle de classe devient tellement neutre et polyvalente qu’elle ne possède plus véritablement le caractère sacré qu’on pouvait lui attribuer dans les palais universitaires. De cet éclatement, on pressent déjà à Rennes le besoin de faire une sauce autour du campus de Villejean pour donner un peu de liant à une série de bâtiments qui n’en ont pas vraiment. On parle de «mail» comme il en a déjà été fait un près du bâtiment principal, un beau petit passage qui n’est d’ailleurs pas le prépondérant et qui est tout aussi isolé que ses congénères les bâtiments. La question ne se pose pas encore de savoir si le problème est la sauce ou les morceaux qu’il y a dans l’assiette. On pense des bâtiments comme suit: J’ai une faculté qui a besoin d’un bâtiment neuf, j’ai un terrain, voilà ce qu’il faut faire et on se retrouve avec une belle collection d’objets très isolés sur un campus 60’s. À croire

que l’idée d’un regroupement des programmes et qu’un plan d’urbanisme ne serait pas le bienvenu. Bien sûr, on a de la place, mais pour combien de temps encore? Nous parlons de développement durable et nous développons des «galettes» isolées dans une ville qui, comme toutes les villes de France, tend à se densifier et où la population étudiante prend une part importante de la surface de la municipalité.

En ce qui concerne les universités des États-Unis, on a pu constater la validité du modèle du campus américain et cela a pu essentiellement perdurer grâce aux sélections d’entrées, par examen ou par le portefeuille (4 000 US dollars par semestre minimum permet une sélection très naturelle). Toutefois ce modèle tend à se modifier progressivement. Bien sûr on ne peut faire de généralités: les universités les plus prestigieuses se modifient peu, nous ainsi parlons de la majorité des universités. Ces dernières s’orientent peu à peu vers la ville et les entreprises. On voit de plus en plus de programmes couplés avec les industries de pointe et de bâtiments universitaires en frange des campus, pas tant par manque de place que manque d’ouverture sur la ville. Pourtant, ces mutations ne sont que très sensibles. On se prend à imaginer des programmes de plus en plus hétéroclites sur les campus: les lieux de vie étudiante deviennent les fleurons des universités, les lieux de leur prestige. Ainsi on trouve des projets de logements étudiants couplés à de véritable lieux de vie urbaine: cafés, magasins, et autres services. Une sorte de melting pot entre les rues européennes et les palais universitaires américains. L’université s’affiche encore avec sa bibliothèque, mais ses laboratoires, et ses lieux de vie étudiante sont de plus en plus mis en avant.

Nous ne parlerons pas de l’évolution du modèle tchèque (peu familiarisé avec ce dernier). Néanmoins, nous parlerons de l’évolution envisagée à Zlín, où l’université renaît peu à peu après la révolution de 1989, la révolution de velours - nous reparlerons plus en détail de l’histoire de Zlín et de l’université Tomas Bat’a, prononcé [Tomache Batia], dans le chapitre concernant les sites de notre intervention. Depuis l’ouverture du pays et sa séparation en 1993 (République Tchèque et République Slovaque), l’université s’est retrouvée au centre des discussions pour le développement du centre de la ville. En effet, le choix de la ville a été orienté vers le développement d’une université de centre ville pour redynamiser et reconstituer un centre qui n’est plus (un peu comme on voulait orienter les réflexions sur les campus français vers la ville avec le Plan d’Architecture Nouvelle). À Zlín, les services d’architecture et d’urbanisme de la ville souhaitent créer une université avec une forte identité urbaine. Ainsi, les programmes universitaires de constructions s’orientent vers des structures mixtes telles que l’on retrouve un peu de la ville dans l’université et réciproquement. Là, on peut parler de développement durable car si la croissance d’un des deux partenaires est trop grande, on pourra ré-affecter plus facilement les bâtiments.

Prison et éducation

Cette question a très souvent été posée par les penseurs du siècle dernier, nous penserons à Michel FOUCAULT, ou encore à Gilles DELEUZE, qui dans Pourparlers, traite dans son dernier chapitre des sociétés d’enfermement et fait le parallèle avec les lieux d’éducation. Finalement, prisons et écoles ne sont pas si éloignées; quand on lit les prérogatives (résumées ci-dessous) concernant les espaces d’enseignement, dans Espace pour éducation artistique et culturelle, ouvrage à destination du maître d’ouvrage édité par le Ministère de la jeunesse (2003), on pourrait comprendre ces «conseils» au pied de la lettre:

Ouverture|fermeture

Symboliser|isoler

Attitude|fonctionnalité

Affichage|éclairage

Exposer|circuler

Organiser l’espace|le mobilier

Organiser|diviser l’espace et ses prolongements

Stocker|ranger

Lumière naturelle|artificielle

Propreté|hygiène

Surveillance|autonomie

La surveillance a longtemps été une préoccupation majeure. Encore aujourd’hui, lorsque l’on parle par exemple de patrouilles de police propre dans TOUTES les universités américaines, ou bien de services de sécurité conséquents comme à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) _une université des plus urbaines car se situant sur une des deux rues principales d’une ville de trois millions d’habitants_ les bâtiments sont gardés 24h/24, et toute l’année, les classes sont toutes ouvrables avec serrure sécurisée, etc.

L’article qui suit est tiré de The Architectural Review. De ce numéro entièrement consacré aux bâtiments universitaires, un article de fond traite ce rapport de la forme et du nombre des bâtiments d’éducation et du rapport aux prisons et à la société; nous avons trouvé utile de le traduire et le retranscrire dans sa quasi intégralité, traitant du cas intéressant de l’architecture universitaire anglaise:

«Rendre l’éducation accessible et effective n’est pas seulement un des grands challenges des sociétés modernes, mais c’est aussi la clé de leur développement civilisé. Il est impossible de surestimer l’importance de l’éducation. De façon convergente, le manque d’éducation est une cause bien enracinée de problèmes sociaux, d’aliénations, de dysfonctionnement, et de comportements criminels. Quelque soixante pour cent des détenus des prisons britanniques ne savent ni lire ni écrire ( (AR, octobre 2003), un fait dommageable qui nourrit un fort taux de récidive (près de la moitié des détenus récidivent dans les deux années suivant leur libération). Sans porter attention à leurs besoins en terme d’éducation, peu d’ex-criminels seront capables de se construire une nouvelle vie loin du crime et cela quelle que soit la durée de leur séjour en prison.

«La relation historique entre l’éducation et la société est à la fois complexe et révélatrice, Elisa COOK,poétesse victorienne, 1853 l’exprime ainsi: «Il vaut mieux construire des salles de classes pour les gamins, que des cellules et des gibets pour les hommes.»

«Ironiquement, au Royaume-Uni, les bâtiments d’éducation sont un secteur de développement très important. Les politiciens sont très au fait de l’importance de redorer le blason de l’éducation, principalement en montrant à quel point ils sont capables de dépenser; Depuis l’arrivée au pouvoir du parti travailliste de Tony BLAIR, les capitaux d’investissement ont augmenté remarquablement passant de £683 millions en 1996-97 à 3 milliards pour l’année fiscale en cours. On programme près de 5,1 milliards pour 2005-06. Bien que certaines de ces largesses soient employées dans des initiatives progressistes, comme les ‘salles de classe du futur’, en réalité, la majorité des capitaux est dirigée vers la rénovation et la réhabilitation d’entités existantes. [...]

«En tant que type morphologique, il est à noter que l’école évolue et reflète les changements en matière de politique, d’éducation, et de dogmes sociaux. Dès lors, l’éducation de masse s’est constamment et souvent radicalement réinventée. Il existe une grande disparité formelle et une discontinuité entre les différentes époques, avec de nombreux bâtiments plus anciens encore utilisés. Dans de grands centres urbains comme Londres ou Manchester, par exemple, l’éducation, à tous les niveaux, a lieu dans un large panel de bâtiments, du monolithe victorien, aux préfabriqués légers de l’après seconde guerre mondiale raccommodés et retaillés [...], des gommages sur des bâtiments universitaires de brique rouge épaulés par des chaises historique d’apprentissage.

«La forme des écoles

«Dans son relevé typologique, PEVSNER ignore littéralement les bâtiments d’éducation (exception faite des bibliothèques), peut-être à cause du manque d’antériorités historiques claires. Les premières méthodes d’enseignement ont été calquées sur le système monastique, ou basées sur des guildes d’échanges commerciaux, avec une forme spécifique d’architecture. La réforme de l’église a libéré un grand nombre de bâtiments ecclésiastiques qui ont été adaptés à l’usage d’éducation, mais dès lors, [...], l’émergence des collages comme celui de Winchester, et de Eton au cours du XIV ième, et du XV ième siècle, [...], la transition vers des organisations et des bâtiments d’éducations plus modernes. Avec leur structure sociale et physique fermement ordonnée, les collèges étaient une réaction contre le caractère souvent dissipé et indifférencié des premiers modèles d’éducation. Déjà, le réseau collégial de cloîtres et de quadrangles humainement proportionnés est devenu un modèle éprouvé pour les bâtiments d’éducation de toutes sortes, du jardin d’enfants, à l’université. Bien qu’elle soit considérée comme acquise dans le monde civilisé, l’éducation de masse est un mouvement relativement récent. L’acte Britannique de 1870 a rendu l’éducation primaire accessible à tous. Mais les bâtiments d’écoles victoriennes ont pris pour modèle les bâtiments autoritaires et sévères comme les prisons ou les baraques qui pourraient être produit économiquement pour «processer» et subjuguer les masses nouvellement éduquées. Durant l’époque moderne, la trame de développement a changé en réponse au besoin pressant de construire de plus en plus d’écoles, particulièrement durant la période de l’entre deux guerre et de l’après guerre, pour une population plus prospère, et plus dispersée géographiquement. De nouvelles approches théoriques sur l’éducation ont proposé des curriculum plus égalitaires et plus libéraux qui trouvèrent leur expression dans les espaces légers, flexibles et multi-valents du modernisme.

«Dès lors, le challenge est de procurer des places et des espaces pour l’éducation qui puissent faciliter la transition entre l’espace privé de la maison et le noeud complexe et en changement rapide de la société (plus large). Chacun se rappelle, avec des degrés variables d’affection, son évolution dans le système scolaire avec ses routines et ses règles, ses plaisirs et ses punitions. Dans cette mesure, l‘éducation est plus que la simple acquisition de connaissances; c’est un rite de passage avec l’école et l’université comme moments clés (cruciaux) dans le long voyage vers la découverte de soi. Il existe une preuve, une connexion explicite entre la qualité de l’architecture et ce que les professeurs appellent le bénéfice de l’apprentissage, et les meilleurs bâtiments à but d’éducation, comme dans les meilleurs éducations, orchestrent savamment une balance entre les disciplines en général et les événements en particulier, entre travail encadré et improvisation.

«De différentes manières, les bâtiments de cette édition [AR, feb. 2004] prennent tous en compte cette approche éclairée. [...] Tous améliorent la qualité de vie des étudiants, des professeurs, et de façon ultime celle de la société (comme un tout) nourrissant et civilisant les générations futures.» (tda)

(SLESSOR, Catherine, The architectural review, Février 2004)

Il est intéressant de noter que les mêmes préoccupations d’augmentation des effectifs ont touché les deux institutions aux mêmes moments de l’histoire en France, pour exemple les programmes pour les «Prisons 4 000» et le plan « UUniversité 200» sont quasi contemporains.

Éducation de masse, Bâtiments de masse

«La question qui se pose est donc de savoir jusqu’à quel niveau de frustration sensorielle on est autorisé à descendre pour ‘caser’ les humains. Nous avons aujourd’hui un besoin désespéré de principes directeurs pour la conception d’espaces susceptibles de maintenir une densité démographique satisfaisante, et d’assurer aux habitants un taux de contacts et un niveau de participation convenables ainsi que le sentiment permanent de leur identité ethnique.»

(HALL, Edward T. 1971: 205)

«L’université anticipe et prépare la socialisation des étudiants dans l’espace urbain» (PAN 1991: 60)

D’un autre côté, la plupart des bâtiments universitaires sont dessinés de telle manière que les étudiants soient souvent frustrés par leur passage à l’université. Les contraintes spatiales qui leur sont infligées sont telles que l’on peut se demander si les édifices n’ont pas été agencés à coups de rectangles et de boîtes sur un terrain préalablement mis à niveau et déboisé.

Après la Seconde Guerre mondiale, nous sommes passés d’un système universitaire qui forme les élites, à un système d’université de masse qui forme toutes les tranches de la population. L’éducation n’est plus simplement un enjeu pour le gouvernement, mais plus localement pour les communautés urbaines et les régions. Dès lors, avec le terme «éducation de masse» sont venues se greffer certaines notions issues du capitalisme, à savoir qu’il est question aujourd’hui de prestations intellectuelles parlant de la diffusion du savoir par les professeurs. Cela rend la notion d’éducation comme issue des professions libérales, c’est à dire que chaque professeur enseignerait pour son propre compte! L’idée est pressentie depuis fort longtemps en ce qui concerne le passage de l’université et de l’école, d’une problématique d’éducation à une problématique de formation, l’université est le lieu de l’apprentissage continue tout au long de la vie de l’individu.

Bien que pensé sans véritable fin en soit, le concours du Plan d’Architecture Nouvelle, «l’université et la ville» est présent comme a priori à toutes les réflexions de l’université d’aujourd’hui. Il témoigne de questionnements conséquents et d’expériences encore actuelles, et surtout correspond à une réflexion sur les problèmes des espaces modernes de ce nouveau type d’éducation. On peut retrouver une analyse relativement importante du concours dans l’ouvrage L’université et la ville, le PAN universités, lecture d’un concours d’idées (BEDARIDA, Marc 1994).

Parmi les propositions issues du concours on retrouve l’idée de repenser les campus existants, de mettre le développement universitaire au service des enjeux urbains et de développer l’université en centre ville par des stratégies de régulation foncière tant par une densification que par de nouvelles implantations. On parle de renforcer les infrastructures et de dessiner la rencontre entre les deux territoires, celui de la ville et celui de l’université; d’impliquer fonctions universitaires et fonctions urbaines au sein d’un même programme, c’est à dire: de ré-interpréter le fonctionnement universitaire, d’intégrer la mixité des fonctions, et créer des lieux de représentation de l’université dans la ville. Ainsi on pense réaffirmer l’expression de l’institution universitaire et de sa place dans la ville, en quelque sorte de rétablir l’université à l’échelle de la pensée collective: «L’université doit, par son vocabulaire architectural, souligner le caractère institutionnel du lieu et la pérennité de l’enseignement.» La valeur de l’institution inamovible de l’université est de l’ordre de celle du monument.

La magie de l’architecture

«[...] La seule ressource dont disposent les architectes pour échapper à l’angoisse nécessairement suscitée en eux par l’ampleur d’une question dont ils sentent bien qu’elle est loin d’être architecturale et qui, en cela, représente comme un doublon du drame des grands ensembles, son contemporain d’ailleurs, son jumeau prolétaire, ce drame des grands ensembles qu’eux-mêmes n’abordent guère tant ils se sentent démunis face à ces impasses.»

«Alors apparurent naturellement nombre d’ersatz, totems high-tech, et autres poncifs du moment: signaux, bornes interactives, tours hertziennes, réseaux télématiques. Alors se manifesta aussi chez quelques-uns cette étrange manie du tramage systématique des sols en bandes programmatiques, aujourd’hui tellement en vogue, et de leur ponctuation aléatoire.

«Les concurrents ont souvent témoigné d’une confiance un peu naïve dans la puissance de l’architecture, une confiance qui fait qu’en leurs propositions abondent les détonateurs, condensateurs, creusets, générateurs, bâtiments symboles, phares, vitrines, ces plots, ces pôles dont les seules qualités d’objets singuliers, et d’objets bien repérables, pourraient en fait suffire, semblent-ils penser, à ce que naisse une sorte d’énergie vitale, suffire à ce que se développe une image active qui, ponctuellement, pallierait le manque d’identité, le vieillissement et le désarroi de tant de campus. Il y a là comme un écho de cette démarche née du marketing et de l’image de marque qui s’est récemment répandue sur la société française.»

(François CHASLIN in PANN 1991: 52-53)

Penser que l’architecture est capable de résoudre tous les problèmes du monde est une aberration de sens; alors penser que l’architecture va régler les problèmes de l’urbanisme universitaire est de l’ordre de l’idiotie. Bien sûr qu’un bel objet posé là fait un certain effet, mais pour que cet effet soit des plus durables, il faut plus que de l’architecture. «[Parlant de l’université] Il n’y a pas de visible sans pensée. Si on accepte le visible sans pensée, on entre dans le domaine du design ou de l’effet de mode, donc dans un produit obsolète de consommation.» ( PANN 1991: 46-47)

«Architecture is the product of the complex interplay between these factors. 50 to 70 percent of the national wealth is tied up in building and infrastructures. One of the goals of architectural policy must, therefore, be to give these resources added economic, environmental, social and cultural value _ An added value that only emerges through architecture. [...] Renewed efforts are required to achieve a global balance between economic interest and environmental concerns and the needs of different societies and cultures. Regional traditions must be preserved and linked with innovations that are capable of providing a better future.» (Andreas GOTTLIEB HEMPEL in Resource architecture 2002: 41)

«L’architecture est le produit d’un jeu complexe de facteurs. 50 à 70 pour cent de la richesse nationale [parlant de l’Allemagne] est retenue dans les constructions et les infrastructures. Un des buts d’une politique architecturale doit être, dès lors, de donner à ces ressources une valeur ajoutée économique, environnementale, sociale et culturelle _ une valeur ajoutée qui ne peut venir que de l’architecture. Des efforts sans cesse renouvelés sont nécessaires pour réussir à équilibrer la balance des intérêts économiques, et des questions environnementales, et les besoins des différentes sociétés et cultures. Les traditions régionales doivent être préservée et liées aux innovations elles seront capables de créer un meilleur avenir.» (tda)

«We have too many choices, too many responsibilities, and too few conventions from which we can base evaluation of our actions and our works.» (FOWLE, Bruce S. cité in Resource Architecture)

«Nous avons trop de choix à faire, trop de responsabilités, et trop peu de conventions sur lesquelles nous pouvons nous baser pour évaluer nos actions et nos travaux.» (tda)

Si l’on souhaite devenir architecte, c’est que l’on est un peu masochiste, un peu utopiste, et définitivement rêveur. Celui qui ne rêve pas ne croit pas qu’il peut faire des choses _pourquoi pas de grandes choses_ et même faire avancer les plus enrayées. Celui-là ne sera pas architecte.

03.Projets

«Une école est une école avant d’être oeuvre architecturale.» À propos de l’UFR des arts de Paris VIII, à Saint DENIS, par Bernard HUET, dans le Monde, daté du 23 novembre 1993

Les images de la culture (I. Calvino)

«Les villes et les signes»

«L’homme qui voyage et ne connaît pas encore la ville qui l’attend sur sa route se demande comment seront le palais du roi, la caserne, le moulin, le théâtre, le bazar. Dans chaque ville de l’empire, chaque édifice est différent et a une place particulière: mais à peine l’étranger arrive t’il dans la ville inconnue et jette t’il un regard sur cette pomme de pin de pagodes, de mansardes et de granges, suivant les capricieux dessins des canaux, des jardins et des tas d’immondices, que tout aussitôt il y reconnaît le palais des princes, les temples des grands prêtres, l’auberge, la prison, les bas-fonds. Ainsi _ dit-on _ se confirme l’hypothèse selon laquelle tout homme a dans sa tête une ville qui n’est faite que de différences, une ville sans forme ni figures, et les villes particulières la remplissent.»

(CALVINO, Italo 1974: 43-44)

C’est cette approche par comparaison qui permet le plus souvent de s’identifier au plus tôt avec les lieux qui nous entourent.

L’architecte

L’architecte pose un regard critique sur le cadre bâti. Il le questionne, s’en imprègne, et pense son devenir, ici, maintenant, mais aussi demain; se laisser guider par la poésie des lieux _ si tant est qu’il y en ait une _ établir et développer un langage architectural qui soit approprié à l’esprit des lieux, au programme, aux attentes des usagers.

«[...]But also in the fact that architecture stands as a universal work of art in its respective surroundings, a product of cultural awareness, historical tradition, and regional specificity. This work of art rests on a complex mosaic of factors that interact with one another to form a convincing whole. They include: Sparing use of natural resources, Respect for history, Knowledge of cultural relationships, A response to local characteristics, Considerations of social conditions, Optimum exploitation of economic factors, The development of value-based criteria, Up-to-date design»

«[...] Mais c’est aussi dans les faits que l’architecture est une oeuvre d’art universelle dans ses environs propres, un produit d’une conscience culturelle, d’une tradition historique, et d’une spécificité toute régionale. Cette oeuvre d’art repose sur une mosaïque complexe de facteurs qui inter-agissent entre eux pour former un tout convaincant. Ils incluent:

L’utilisation économique des ressources naturelles, Le respect de l’histoire, La connaissance des relations culturelles, Une réponse à des caractéristiques locales, La considération des conditions sociales, L’exploitation optimum des facteurs économiques, Le développement de critères de valeurs, Et un design architectural résolument moderne. »

Andreas GOTTLIEB HEMPEL, President of the XXI World Congress of Architecture UIA Berlin 2002, Architect BDA, UIA White Book in Resource Architecture 2002.

L’architecte va, à partir d’une idée de départ plus ou moins bonne, construire cette idée et la représenter dans l’espace du papier ou de l’écran. C’est cette représentation de la vision qu’il a pu avoir du programme qui sera son outil de dialogue avec les commanditaires. Pas vraiment besoin alors de parler la même langue pour se comprendre - les conventions de dessin en plan aidant. Toutefois, la réponse architecturale proposée doit être appropriée par/à ses «lecteurs».

Le sens

Pour que la réponse apportée corresponde un tant soit peu à l’univers sensoriel et culturel de la «commandite», il faudra que l’architecte utilise des signes appropriés au paradigme culturel correspondant, en prenant toutefois quelques précautions: «Trop de signes, moins d’environnement, [...] la répétition, comme dans les grands ensembles, annule tous les repères», spatiaux et temporels (BERENSTEIN JACQUES, Paola 2002). On ne peut pas leurrer l’usager sur son espace. Aussi faudra t’il mesurer avec attention le langage architectural employé. La question du sens des choses est précisément là. Nous construisons des édifices tellement saturés de sens multiples, répétés à l’infini, que le projet perd toute signification, tant pour l’usager que pour l’architecte lui-même. La perte de tous les repères en découle.

*

Le porche en Louisiane n’est pas qu’un simple élément vernaculaire, il est élément de design à la fois utile et beau, il ne doit pas simplement être considéré comme un élément décoratif mais bel et bien comme un élément constitutif et consécutif d’un environnement précis: La Louisiane, un climat quasi-tropical et un soleil assassin: tampon thermique et protection solaire. Reprendre cet élément selon le même langage tectonique est l’erreur du régionalisme en architecture. Par contre, le rejet pur et simple d’un élément pareil est tout autant une erreur.

*

Le problème de l’orientation dans le bâtiment est souvent le symptôme d’un parasitage par des signes en nombre. Outre la complexité d’un programme, on sera perdu par l’abondance des couleurs, les proportions des éléments, les diverses frustrations sensorielles et la multiplicité des textes: un peu comme on le serait dans un supermarché. Cette technique peut servir un but de consommation, mais ne sert en rien l’usage agréable et simple des lieux.

Le milieu

Une des conditions fixée comme point de départ au processus de conception des trois projets (qui seront décrits plus tard) est celle de l’environnement, préoccupation qui, depuis les années 60 entre autres, a fait un bout de chemin. Aujourd’hui, on tartine le développement durable à toutes les sauces. En ce qui nous concerne, nous traiterons les différents projets avec un point de vue environnementaliste, tentant d’implémenter un fonctionnement des bâtiments avec la nature, tant dans le processus de construction envisagé que dans son fonctionnement énergétique, ou son implantation dans le paysage urbain et tout en fonction des différents paradigmes culturels.

Ça n’est pas le propos pour une éco-architecture, mais bien plus pour un simple rétablissement du rapport de l’homme à son environnement naturel. L’homme a créé des avatars (ses abris) qui lui font complètement ignorer ce qui lui est le plus proche: la nature. Cette ignorance est dangereuse. On ne peut décemment pas penser l’homme sans la nature, et donc son abri sans le milieu qui l’entoure.

3|Sites

01.RNS, Rennes, Ille-et-Vilaine, Bretagne, France

Rennes, une conurbation de près de 300 000 habitants, doit son développement à son statut de capitale régionale de la Bretagne. Elle est organisée originellement autour d’un centre historique moyenâgeux, reconstitué après un incendie au XVIII ième siècle. Son développement des deux derniers siècles s’est orienté autour des grandes voies de communication tant ferrées qu’automobiles. Au cours des années 60, pour faire face au besoin pressant de logements, on a construit dans des Zones d’Urbanisation Prioritaires (ZUP), une série de bâtiments de type grands ensembles au nord ouest, nord est et au sud de la ville. L’université s’est alors implantée hors du centre ville, au nord ouest, à Villejean, là où se trouve notre site, et dans l’est de la ville, à Beaulieu. La ville compte aujourd’hui sur un secteur tertiaire relativement dynamique et sur une technopole, Atalante, qui malgré un déclin récent, reste un des moteurs des industries de technologie alentour. La ville travaille à son développement concerté en ayant créé la structure de Rennes-Métropole qui réunit toute la conurbation rennaise, et travaille au développement des franges de la ville ainsi qu’à la densification de certains délaissés urbains (sites de l’armée en particulier).

Villejean-Universités, Université de Haute-Bretagne (UHB)

L’université dont nous parlerons ici, est celle qui est située au nord ouest de la ville, entre la deuxième ceinture du centre et le Centre Hospitalier Universitaire (CHU), le campus santé, à l’est, l’Ecole Nationale de la Santé Publique (ENSP) au sud, la cité et le restaurant universitaire au nord et les grands ensembles de Villejean à l’ouest. Le campus de Villejean couvre environ dix hectares, soit environ 400 m par 450 m. Le terrain descend du nord est au sud ouest. L’entrée initiale se fait le long de l’avenue Gaston Berger, depuis la desserte par le VAL (Véhicule Automatique Léger) à l’est, l’accès se fait principalement par la «place de l’université» où sont situés tous les arrêts de bus et la station VAL «Villejean-Universités».

Le site lui-même est desservi par des «rues» internes au campus de l’université qui sont peu définies, ponctuées de places de stationnement et de quelques arbres. Le site est constitué par les dernières structures sportives du campus (les activités étant délocalisées), compris entre le pôle des langues (L), les bâtiments de physiologie du sport (I) préfabriqués, et le bâtiment nouvellement mis en service d’odontologie. Le terrain est en surplomb de la piste de course et domine une partie de l’ouest de la ville. Il est relié au reste du centre nerveux du campus par un axe ouest-est encore très peu défini. Le nouveau coeur du campus se situera à une centaine de mètres à l’ouest par l’ouverture prochaine du bâtiment de vie étudiante (EREVE: Espace de rencontre et de vie étudiante) à proximité du pôles des langues dans l’espace de l’l’Agora(l’ensemble de ces récentes interventions se sont faites dans le cadre du Schéma Directeur de Développement de l’université établi en 1993 et ré-actualisé en 1999). Ainsi le campus trouvera son centre au coeur de sa forme en L. L’accès au site en voiture se fait par la rue Pierre-Jean GINESTE.

02.ZLN, Zlín, Zlínsko, Morava, Ceska Republika

La ville de Zlín, située à 300 kilomètres au sud-est de Praha (Prague) compte près de 90 000 habitants, elle est la ville principale du Zlínsko (sorte de canton, depuis 2000), la ville a une identité morave, mais c’est un cas bien particulier de développement urbain et industriel sur le continent. En effet, depuis 1894, date de la fondation de l’entreprise Bat’a par Tomas BAT’A, la ville a connu un bouleversement sans égal, devenant progressivement une ville fonctionnaliste hors du commun.

1|Photo des écoles Masaryck, le bâtiment du premier plan est aujourd’hui détruit (Archives du canton de Zlín (SoKA) ) 2|Vue sur les internats, les écoles Masaryck sont en bas à gauche du cliché (SoKA) 3|Vue sur le site de Zlín (SoKA) 4|Vue sur le site de Zlín (SoKA) 5|Photomontage du portrait de Tomas BAT’A 6|7|8|Prises de vues des différents types de logements que BAT’A a construit pour ses employés (SoKA; 8, cliché personnel)

La ville historique des artisans et des commerçants s’est transformée en un gigantesque centre industriel très rapidement (moins de 20 ans). Après un voyage aux États-Unis où Monsieur BAT’A découvre les techniques de production industrielles, la firme BAT’A se modernise. La nouvelle entreprise de la chaussure reçoit bientôt des bâtiments d’usine modernes au début du siècle. Durant la première guerre mondiale, les entreprises de Zlín fournissaient des millions de paires de chaussures à l’armée austro-hongroise. En 1918, l’entreprise employait 4000 personnes. À partir de 1922, durant la crise d’après-guerre, Tomas BAT’A parie sur la diminution de moitié du prix de ses chaussures. Le pari est gagné et Bat’a devient leader de la chaussure en Tchécoslovaquie. Continuant à se moderniser de 1923 à 1938, la firme influence de plus en plus les décisions de la ville, car la majorité des habitants travaillent directement ou indirectement pour Bat’a. La diversification de la production aidant, avec les caoutchoucs et les machines, les magasins de Bat’a se répandent d’abord en Europe puis dans le monde. En 1923, le directeur de Bat’a devient aussi maire de Zlín. La société construit alors: hôpitaux, grands magasins, hôtel, cinéma, bâtiments d’écoles, institut de recherche, université, studios de cinéma, et logements. En 1937, la population de la ville atteint plus de 37 000 habitants, la majorité d’entre-eux travaillent pour Bat’a. Le paysage urbain est très caractéristique, des quartiers d’habitations avec des maisons simples, doubles, ou triples, cubes de briques rouges au milieu de jardin arborés, des petits programmes de 4 à 5 étages d’appartements, et en centre ville, des bâtiments de moyenne densité. On trouve juste à côté du centre les usines Bat’a, les centres commerciaux, et autres constructions à destination des employés de Bat’a. Toutes ces constructions sont faites selon les plans d’architectes et d’urbanistes modernes et fonctionnalistes: GAHURA, KARFIK, LORENC . Zlín est devenue alors une ville super moderne fonctionnaliste. L’histoire de Zlín: après la mort de Tomas BAT’A en 1932, la guerre et la prise de pouvoir par les communistes ont fait stagner la ville pendant près de 40 ans. En 1989, l’effondrement du régime communiste et la séparation d’avec les Slovaques en 1993 ont redonné à la Tchéquie un nouvel élan, et par là même à Zlín, par les privatisations entre autres. L’aspect de Zlín, aujourd’hui, est celui d’une ville jardin paisible. Les réhabilitations des bâtiments administratifs et de production de BAT’A trouvent peu à peu une nouvelle fonction dans la ville.

Universita Tomase Bati (UTB), les écoles Masaryck

L’université de Zlín est issue d’une tradition relativement récente car elle est apparue lorsque Tomas BAT’A pressentit le besoin de former une élite au sein de ses entreprises pour mener à bien ses projets d’expansion. Ainsi sont nés la plupart des écoles et des lycées de Zlín, mais aussi l’université avec la faculté de management en premier lieu. La création de la faculté de technologie date de 1960, fondée durant le communiste. L’Universita Tomase BATI a été officiellement fondée en 2001, plus de 10 ans après la chute du communisme, et correspond au besoin de plus en plus important d’établissements d’enseignement supérieur tant au niveau local de Zlín qu’au niveau national. L’université ne répond pas directement à un grand schéma directeur d’aménagement, elle est encore librement implantée dans la ville sous la direction des services des constructions universitaires et des services d’architecture et d’urbanisme de la ville, car la ville possède la plupart des terrains et des «délaissés». L’université possède peu d’infrastructures. La ville a opté pour un développement plus dense des activités au niveau des anciennes écoles Masaryck _ dont le bâtiment principal en Y a été détruit en 1985 pour des problèmes structurels. À l’est du centre ville, le projet d’un centre pour l’université dessiné par l’architecte tchèque JIRICNA (à l’emplacement même du centre des écoles) fait face aux centres commerciaux du centre ville. Notre site se trouve 50 mètres plus à l’est, sur une terrain de sport bitumé, en surplomb d’un des arrêts de bus / trolleybus principaux du centre, le long de l’artère Stefanikova, axe est-ouest. Il constitue une des faces principales du nouveau centre de l’université: celle de la connexion avec le centre historique de Zlín. Les autres bâtiments universitaires qui ne sont pas sur le site sont répartis dans la ville à distance de marche.

03.LFT, Lafayette, Lafayette consolidated government, Louisiana, United States of America

La ville de Lafayette, troisième ville de Louisiane après New Orleans et Baton Rouge est du même ordre de grandeur que Rennes ou Zlín, Lafayette n’a pourtant pas du tout la même physionomie. C’est l’archétype du modèle de la ville nord américaine. Un centre de Business (Central District Business: CDB) relativement dense et très peu animé qui constitue le centre de la ville, et une banlieue qui se développe à l’infini par des maisons résidentielles avec terrains individuels, collection d’objets isolés. Les vieilles maisons font maintenant partie du quartier «noir» (black precinct, north side), pauvre et délabré au nord et à l’ouest de la ville. Des condominiums se regroupent autour de l’université pour répondre au besoin en logements des étudiants. La ville s’est d’abord développée comme capitale régionale de la partie centrale de la Louisiane, car cette partie de la Louisiane était très isolée jusqu’au début du siècle. C’est là que se sont développés le Cajun (dialecte franco-anglais), les crawfishboil (marmite d’écrevisses), le zydeco et les alligators qui sont la spécificité de cette cité à fort caractère identitaire pour une ville étasunienne.

Entourée de bayous (Marécage naturellement planté de cyprès rouge), elle est aussi un des centres du pétrole américain, située non loin de la mer des caraïbes où se trouvent de nombreuses plates-formes de forage offshore (en pleine mer). Lafayette est aussi connue pour accueillir depuis plusieurs dizaines d’années le Festival international de Louisiane, une fois par an, le plus gros festival de musique francophone des Amériques. L’étendue de la ville est telle aujourd’hui que le city councilil de Lafayette a dû s’associer avec les villes alentour pour former le Lafayette consolidated government. Ce nouveau conseil s’occupe de gérer l’énorme conurbation autour de Lafayette (30 km). Le commerce a essentiellement trouvé sa place hors du centre dans de grands shopping malls, reléguant au centre quelques échoppes (une vingtaine) des restaurants et des bars (une autre vingtaine), ainsi le centre est pour le moins délaissé hormis le vendredi soir (TGI’F: Thanks God It’s Friday), jours de fêtes musicales sur un «délaissé» du centre.

University of Louisiana at Lafayette (ULL)

L’université se situe au sud-est du centre ville, à deux minutes en voiture -et à pied, mais l’usage piéton est tellement peu considéré qu’il est presque ridicule de le citer. Certains colleges existent en dehors de la ville: le centre sportif (stade couvert de 15 000 spectateurs pour les Ragin’Cajuns, stade de 10 000 spectateurs pour le Base-ball, complexe comprenant piscine, salle de sports en tous genres) et les bâtiments en recherche agricole; mais l’essentiel du campus est regroupé sur ce seul site comprenant colleges et services aux étudiants: Logements, restaurants universitaires, un café, deux magasins de fournitures et de livres, un service de police, une salle de spectacle, etc. Le Campus couvre un site d’un peu moins de trente hectares, composé de plaines arborées, d’un parc, d’un petit bayou, et de nombreuses allées d’arbres plusieurs fois centenaires. L’ensemble est desservi par un système de navettes peu fréquentes.

Le site qui nous intéresse est situé entre l’entrée officielle du campus et le centre ville dans un groupe de petites maisons délabrées du centre, sur un délaissé en face du petit bâtiment historique de la mairie de Lafayette, qui héberge aujourd’hui deux associations du développement économique de la ville.

3|Programmes

Ici, nous ne décrirons pas en détail les programmes en terme de définition de tous les espaces, nous en tracerons simplement les grandes lignes, donnant les principaux départements ainsi que la surface totale de construction, commentant brièvement le contexte de ces programmes.

RNS

Faculté de Sciences humaines

Le programme qui suit est le programme d’un concours qui sera lancé dans peu de temps par les services du rectorat, et ce, dans le cadre du redéploiement de l’université et de l’identification plus précise des différentes UFR, par des bâtiments de meilleure qualité architecturale. Il comprend: administration de l’UFR, secrétariat des départements, espace d’accueil, documentation, Formation-Recherche, départements, espaces enseignants-recherche, espace technique.

-Soit un total de 4 102 m² hors circulations et sanitaires.

ZLN

Faculté d’Économie, de Management et de Multimédia

La faculté, ainsi que le rectorat, ont besoin d’un nombre plus grand de salles de cours et de bureaux, d’espaces d’enseignements variés. La position en centre ville a fait opter pour un programme d’aménagement mixte afin de résoudre certains problèmes de la ville du même coup. 400 places de parking sont à usage de l’université, des commerces du centre ville et de l’université, des espaces pour des commerces en lien avec la rue, des salles de cours (25, 40,60 places) et amphithéâtres, ainsi que des bureaux administratifs.

-Soit près de 8 000 m² hors circulations et sanitaires, à part égale entre les commerces et l’université.

LFT, Fletcher Hall College of Arts

L’université manque cruellement de représentativité dans le centre ville, et le centre manque, à l’inverse, d’activités dynamisantes tout le long de la journée. Le programme qui suit correspond à l’élargissement du collège des arts et à sa re-localisation sur les franges du campus dans le centre ville de Lafayette. Amphithéâtres, espace technique, bureau d’accueil et secrétariat pédagogique, salle de réunion professeurs, bureau enseignants, recherche, espace d’ateliers design, design industriel, architecture, arts, ateliers (céramiques, photo, joaillerie, gravure, ...), atelier bois, espace d’exposition, espace informatique, espace technique et de stockage amphithéâtre et musée, musée de l’université, salles de cours, café.

- Soit 7 500 m² hors circulations et sanitaires.

Paramètres|Données

«Après sexte, j’ai voulu vérifier mes conjectures, les confronter avec le terrain. Comme toujours, la réalité transpose les idées sans les détruire complètement.» (POUILLON, Fernand 1964: 22)

Les différents sites possèdent des données bien particulières, essentiellement relatives au climat et au caractère du terrain:

RNS - Le climat de Rennes est relativement doux, l’été comme l’hiver, toutefois la pluie et certains vents violents ponctuent régulièrement l’année. Le site est particulièrement exposé aux vents à dominante ouest faisant face sur une hauteur en surplomb d’un terrain de sport vide à l’ouest. Un mail se situera à moyen terme entre le terrain de sport et le site, on peut donc supposer quelques plantations pour couper les effets des vents. Le terrain est situé sur des remblais divers, sans véritable assise. Le site, et le futur bâtiment formeront une façade bâtie contemporaine pour le côté ouest de l’université. Toutefois, l’éloignement des constructions de ville à l’ouest et la disponibilité de terrain (l’UFR de sport ayant été re-localisé à la Harpe) permettent de penser que bientôt des bâtiments lui feront face. Ainsi, il est nécessaire de penser le futur bâtiment dans un cadre plus dense à long terme avec une meilleure articulation des différents bâtiments de l’université.

ZLN -Le climat de la région de Zlín est de type continental, caractérisé par des étés chauds et des hivers très froids. Le site est localisé sur la colline est de Zlín, et est protégé des vents par les bâtiments mitoyens. La façade principale est orientée vers la ville, c’est à dire vers le nord, mais le site universitaire nécessite une connexion forte côté ouest est avec le coeur de l’université. Le centre ville nécessite des places de parking supplémentaires du fait de l’impossibilité de la ville à s’agrandir au nord et au sud. Le site se trouvant très bien desservi par un des deux axes principaux de la ville (Stefanikova Ulice), il a été décidé d’implanter un parking sur le site, répondant à la fois aux besoins de la ville et de l’université. Par ailleurs, pour conforter la place de la «nouvelle» université _ bien que datant des années 30 _ dans la ville, des espaces pour les boutiques sont prévus pour renforcer le caractère urbain de l’université et dynamiser la partie est du centre. Le site est entouré de bâtiments fonctionnalistes des années 20 et 30, leur caractère typologique est très fort (squelette de béton armé de 6 m 15, par 3 m 50 ou 4 m 50 de hauteur et un remplissage de briques rouges) mais l’ensemble de la ville est déjà fortement imprégné de ce caractère. Ainsi, la ville est plus favorable à des propositions à fort caractère qui pourraient être un exemple pour le développement de nouveaux bâtiments. L’architecture Bat’a est tellement omniprésente qu’il n’est plus véritablement nécessaire de la mimer. À partir du site, on dispose d’un point de vue privilégié sur Zlín, mais aussi sur les collines de Moravie. La nature de la région est omniprésente et constitue la spécificité unanime des environs de Zlín.

LFT -L’humidité relative de l’air est invariablement supérieure à 85%, comme paramètre de départ, cela implique déjà des dispositions relativement importantes pour le bâtiment. Il n’y a pas vraiment d’hiver, hormis une saison courte un peu fraîche en janvier (trois degrés pendant une semaine tout au plus). La période chaude est ponctuée par une saison des pluies assez intense, et la température moyenne à l’année est de 30°C. L’humidité est le fait du bayou, marécage planté d’arbres (cyprès rouge), qui cause aussi une certaine instabilité du sol quel que soit le lieu et cela malgré la platitude des terrains: pluie et humidité importante. Le soleil donne une lumière relativement intense et la protection

est nécessaire entre 12h00 à 14h00. Le confort thermique dans les bâtiments est généralement obtenu par des fenêtres avec de fort coefficients de protection UV, et un système d’air climatisé conséquent. Le site est ouvert, sans protection, et sans bâtiments directement mitoyens. C’est un délaissé urbain sur lequel existait un restaurant ‘Daiquiri drive-thru’u’ avec une petite terrasse extérieure abritée par un porche. Les bâtiments alentour sont suffisamment éloignés pour ne causer aucune ombre sur le site. Leur hauteur est variable de un à douze étages (banque). Notre site est à l’intersection de deux des routes d’accès au centre de la ville par le sud. Mais les flux routiers sont très faibles du fait du maigre achalandage du centre.

Enjeux|Besoins

RNS -Ironiquement, c’est sur le site de Rennes et avec un programme de faculté de sciences humaines, que nous traiterons la situation la moins urbaine et la moins humaine, celle d’un campus 60’s. Ainsi, le manque d’activité en dehors des horaires de fonctionnement de l’université: 8h00-19h00 du lundi au samedi matin, fait que le site est des plus ingrats. Pas de connexion travaillée avec le centre de l’université, pas d’activité propre autre que celle de l’éducation. Par ailleurs, l’université ne fonctionne pas encore comme un réseau de bâtiments avec une même fin, cela du fait du manque de densité des constructions et de l’aménagement incertain des espaces extérieurs. C’est un campus dans lequel la communauté a besoin de repères forts. Le programme, tel qu’il est formulé, ne donne pas le sentiment qu’il peut y avoir une vie à l’intérieur même du bâtiment que ce soit pour les membres de l’administration, pour les professeurs ou bien encore pour les étudiants qui constituent les principaux utilisateurs, tout du moins par le nombre. L’université souhaite redorer le blason de son campus qui possède une allure extérieure des années 60, et cela malgré les nouveaux bâtiments: présidence, pôles des langues, arts, odontologie, EREVE, extension de la bibliothèque, ... Ainsi, la volonté est de suivre l’élan de ces bâtiments et de créer une série d’objets architecturaux dignes de l’université. On oublie un peu vite la façon dont on va lier le tout. Ce qui, selon nous, sera l’enjeu majeur de l’université dans les prochaines années.

ZLN -Aujourd’hui, le terrain est utilisé par les skatteurs et des compétitions de skate-board ont lieu une à deux fois par an. Cette utilisation actuelle est à considérer, et à travailler dans le futur, car peu de terrains sont susceptibles de remplir la même fonction à Zlín. Le front de rue étant situé en surplomb de Stefanikova Ul., La rue ne fonctionne pas tant comme une rue d’activité d’un centre ville que comme un simple espace de circulation et d’attente de bus. L’implantation des boutiques et la reconstruction d’une vraie façade de centre ville animée par des commerces semblent indispensables. Cela permettrait de faire exister l’université en créant une entrée à l’intérieur du bâtiment par cette même rue. L’espace résiduel de l’édification d’un tel bâtiment au sud sera à considérer comme une priorité, étant vraisemblablement l’accès privilégié par les différents utilisateurs des bâtiments. Ainsi, l’orientation du bâtiment en terme de flux d’accès devra se faire selon l’axe nord-sud. Le point de rencontre des deux pôles du programme: université et boutiques, fera l’objet d’une attention toute particulière. Il est important de traiter avec mesure les points de contact entre ces pôles.

LFT -Considérant le programme, les besoins des utilisateurs du collège des arts se bornent à une galerie d’exposition digne de ce nom en ville, notamment d’une vitrine des travaux des étudiants. Concernant l’université, il existe le même besoin d’exister vis-à-vis de la ville, car la seule dimension du campus ne suffit pas à faire exister l’université avec le récent changement d’orientation politique municipale. Ainsi, l’université doit montrer ce qu’elle fait et se donner une importance dans le centre même de Lafayette. La ville, quant à elle, cherche à se densifier en commençant par son centre qui est un centre d’affaires mais certainement pas un lieu de vie et d’activité. Des programmes récents de logements vont dans ce sens (bâtiment R+5). Le prix du terrain est pourtant un des plus bas de la ville. Les quelques bâtiments commerciaux dispersés dans ce centre ne sont pas suffisants pour apporter de la vitalité. Aussi, le bâtiment doit-il représenter l’université et ses étudiants en centre ville, et donner un élan vers la re-densification du centre, accompagné de programmes de l’État de Louisiane. Le programme en lui-même n’est que l’amélioration en terme d’espaces supplémentaires du collège des arts existant. Ainsi, l’agrandissement des ateliers, la mise aux normes des ateliers techniques, un amphithéâtre supplémentaire et une galerie plus ouverte vers l’extérieur.

3|Paradigmes de construction

Les fonctionnements, quant à la construction de nouveaux bâtiments universitaires, sont bien différents d’un pays à l’autre. Ainsi, on trouve une structure bien précise de coordination. À Rennes, et en France, le recteur fait le plus souvent part de besoins au ministre chargé de l’éducation et de l’enseignement supérieur, via la bureaucratie ministérielle, ensuite les fonds sont alloués ou non via le gouvernement et le ministre. Le recteur donne la charge de la maîtrise d’ouvrage au service de construction du rectorat ou bien à la Direction Départementale de l’Équipement (il y a possibilité de déléguer la maîtrise à une société mixte) qui se chargent de programmer la construction en corrélation avec les services techniques des universités. Le concours est ainsi lancé parmi des architectes invités. Le temps entre la prise de décision de la construction et la remise des clefs est très long, généralement supérieur à deux ans et plus encore.

À Zlín, en République Tchèque, le schéma est sensiblement identique sauf que la maîtrise d’ouvrage est le plus souvent donnée à la ville qui se charge de monter les dossiers de concours. Le concours se fait aussi sur invitation, mais le nombre de participants est plus faible qu’en France (maximum trois entrées à Zlín). Le temps de mise en branle pour la construction est assez long, bien souvent par manque de crédits. La construction est, par contre, relativement rapide, moins de deux ans en général, du fait principalement de la possibilité financière de recruter un grand nombre d’ouvriers (faible coût horaire).

En Louisiane, comme dans la plupart des États, les universités publiques sont libres de construire comme bon leur semble. Toutefois, les fonds propres à la construction sont très variables: certaines universités fonctionnent sur les ‘fees’, droits d’entrée, d’autres sur les subventions et autres patronages, et les dernières, les plus pauvres sur les dotations de l’État ou de la ville (bien que plus rares). Le président de l’université et le board of trustees (conseil d’administration, plus puissant qu’en France), proposent et votent les différentes étapes de la mise en construction d’un bâtiment, il n’y a pas vraiment de règles quant au mode de sélection des architectes: concours ouvert, concours sur invitation, choix du président, choix du conseil, etc. Le temps entre la décision de la construction et la mise en service est très court. En effet, le pragmatisme américain, le professionnalisme des ouvriers (fortement qualifiés et tout aussi bien payés _ environ 15 dollars de l’heure pour les moins spécialisés, et jusqu’à 45 dollars pour certains travaux) , et les systèmes constructifs font que la plupart des bâtiments sont mis en service en moins d’un an et demi.

Un autre point intéressant à étudier concerne la typologie du bâti, les modes de construction et d’orientation dans la ville: le système français de construction et d’urbanisme est caractérisé par sa centralité à tous les niveaux: administratif, constructif; d’ailleurs, on se repère dans la ville par rapport à la centralité de cette dernière, on parle de centre ville et pour cause. Le système nord américain est de type «bloc», l’orientation se fait par ces derniers: «PJ’s c’est à trois blocs au nord de Jefferson, après Caillouet !», on parle de Downtown et donc de ville basse, un centre très dense et très petit. Les constructions sont considérées comme un tout et les lots sont beaucoup moins nombreux pour l’attribution des marchés, ce qui accélère le début du chantier et le chantier lui-même. Le cas de Zlín (et pas celui de la république Tchèque) est plutôt de type linéaire. Les axes de la ville sont principalement orientés est-ouest du fait des collines environnantes, et les gens se repèrent selon ces axes et les lignes de trolley. Les bâtiments fonctionnalistes sont organisés le long des grands axes et cela souvent perpendiculairement.

Choix, idées

Ce chapitre intervient beaucoup plus tardivement dans la démarche architecturale du projet car les vrais choix sont ceux du projet |terminé| s’il en est, et sont remis en cause sans cesse jusqu’à la présentation. Toutefois, il est important de prendre des décisions et d’éclairer le lecteur sur le projet lui-même. L’avantage inhérent à la pluralité des projets _ hormis toutes les difficultés que cela implique _ est dans l’approche. Nous ne sommes pas confrontés à un problème et à un seul dans un projet, mais bel et bien à une pluralité. Cette multiplicité de plans d’approches et de questionnements provoque à la fois un temps de mise en branle relativement long, mais aussi décuple les possibilités: ce qui est bon pour un projet peut être mauvais pour un autre, ...

Ce va-et-vient constant entre nos trois projets permet de travailler sur les avantages ou les inconvénients des solutions envisagées. On découvre un problème de fonctionnement dans l’idée d’un projet et l’on vérifie ce problème dans les autres, puis on découvre la qualité d’un élément qu’il faudrait développer. C’est toute la richesse des projets qui est transcendée. Quoiqu’il en soit, on peut espérer, sans parler trop vite, que cette opulence de données génère une qualité des projets, et un questionnement quand à la position de l’architecte vis-à-vis du contexte culturel dans lequel il intervient, qui est finalement le but de ce diplôme. On en vient à se poser des questions sur le pourquoi d’un bâtiment dans un contexte précis. Celle aussi d’un régionalisme critique ou non _ notez que ce mot polémique à lui seul n’aura pas été utilisé plus d’une fois_ d’une tendance à la copie du traditionnel, à la réaction, ou encore à l’utilisation éclairée de la science des constructeurs précédents.

Pourquoi notre geste est-il violent, pourquoi notre bâtiment s’efface-t’il, pourquoi s’intègre t’il au maximum? Cette ville a-t’elle besoin de cela, en a-t’elle besoin comme cela, quel niveau de contraste ce bâtiment doit-il apporter? Le bâtiment de la faculté de sciences humaines a-t’il un impact à l’échelle de la ville, le campus _de Rennes 2_ nécessite-t’il un bâtiment fort, et pour quelle(s) fonction(s)? Les étudiants, les professeurs, le personnel administratif émettent-ils le souhait de travailler dans un bâtiment porteur d’une identité forte ou non? La seule forme du bâtiment va-t’elle donner une dynamique suffisante au développement du centre ville? Le projet d’enseignement très changeant peut-il donner lieu à un parti formel si fort que cela?

RNS_Une orientation du projet de la faculté de sciences humaines est ambiguë à assumer. On fait face à un problème d’urbanisme universitaire, mais le programme initial n’en traite pas directement et les fonds attribués à ce poste sont mineurs. On ne peut pas penser le seul bâtiment comme élément du campus car la carte du futur campus est encore branlante. Toutefois, nous avons souhaité traiter le problème selon le programme. Le terrain est pentu vers le terrain de sport, et nous avons imaginé utiliser cet atout à fin de «dé-axialisation» de la fin du futur mail (le but étant de ré-équilibrer la différence de niveau avec le plateau sportif). Par ailleurs, ce programme de sciences humaines se pose là lui aussi, comme un paradoxe dans le programme. On prend un programme «humaniste» comme point de départ et le programme qui en ressort est plutôt un copiercoller d’un bâtiment universitaire commun. Pourtant, un bâtiment aillant vocation à former des questionneurs de l’humanité ne peut pas être un bâtiment aussi standard que la lecture du programme le prédit. Nous nous proposons donc de traiter la question de la façon suivante: un hall d’accueil sur deux niveaux accessibles aux personnes handicapées, et de la même manière l’amphithéâtre qui vient s’insérer dans la pente, et sur lequel le premier niveau du hall se continue. Les bureaux et salles s’élèvent autour de ce hall et graduellement dans l’édifice. Le tout prend le parti d’une orientation vers le sud, et d’entrées à l’est et à l’ouest dans la continuité du futur mail.

ZLN_Le cas de Zlín se caractérise par la difficulté pour le maître d’ouvrage d’établir un programme clair. Ici, la maîtrise d’ouvrage est partagée entre la mairie et l’université. Après diverses rencontres et discussions, nous avons pu noter la difficulté à communiquer entre administrations _à Zlín et ailleurs_ le programme est relativement libre, car on cherche une solution au problème du centre ville de Zlín, et la maîtrise d’ouvrage pense le résoudre par des programmes mixtes et des réhabilitations (réhabilitation récente du bâtiment 21, administration de BAT’A). Nous nous proposons de traiter trois des questions comme point de départ du «design» architectural. La première est celle des espaces d’enseignements que nous traiterons dans une forme libre, des espaces ouverts pour le libre apprentissage: dilatation des espaces centraux de circulation, espaces d’enseignements ouverts à tous, les espaces de circulation sont des espaces de vie à part entière et traités comme tels... La seconde est celle du panorama initial de Zlín, celle d’une ville dans les collines de Moravie. En considérant l’espace extérieur sous cet angle nous envisageons d’intégrer la possibilité du «Skate Park». La dernière est celle du front de rue que nous souhaitons travailler de façon suffisamment dense pour impulser une dynamique plus urbaine à cette dernière. Notre intention étant de lier le bâtiment selon ces trois plans.

LFT_Les choix se sont orientés dans le sens d’une représentation formelle simple mais forte de l’institution universitaire au sein du centre ville. Une expression formelle et fonctionnelle radicale, le bâtiment, exprime les choix pédagogiques de la faculté: l’atelier est le mode principal d’apprentissage en architecture, design industriel, dessin et peinture. Le mode d’organisation vertical et dense de la partie de l’enseignement plus conventionnelle et de l’administration correspond à l’accumulation formelle et solide de l’enseignement, comme base de l’apprentissage. L’horizontale des ateliers vient traduire la continuité des relations entre les ateliers, on participe aux ateliers de manière transversale au cours des années d’études. _Les étudiants américains en architecture, en particulier, sont friands du «style» européen de la rue. Ils y voient un modèle, une consécration de l’animation de l’espace public_ Il faut dire que les espaces publics centraux de Lafayette sont d’une densité et d’une vitalité très faibles. L’animation est absente. Les espaces de circulation du bâtiment sont contenus dans un volume relativement dense, et irriguent de manière diverse et variée l’espace d’atelier. Le musée s’affirme discrètement en parallèle du bâtiment principal. Il est terré pour mieux entrer en contra-distinction du bâtiment à but d’éducation.

Parce qu’il faut dire quelques petites choses pour conclure.. .

Alors la culture, les universités, un projet commun et cohérent?

On peut questionner la fonction ou la nécessité d’une symbolisation à l’échelle universelle et se demander s’il est possible de repérer les symboles d’une culture, voire de les décoder. Au milieu du siècle dernier, on considérait que la culture et la civilisation étaient la même chose, issues des productions de son élite intellectuelle. Qu’en est-il maintenant, l’université est-elle le lieu de la culture [processus], ou bien est-ce simplement là où sont exacerbées les cultures des professeurs et des étudiants [savoir]? Les enseignements d’une même matière ne sont pas les mêmes d’un pays à un autre, pourquoi en serait-il ainsi d’ailleurs? Ce serait une erreur culturelle. L’université est un lieu de vie, il représente la société, et la culture qui y est présente est semblable. Manque t’on de justesse dans l’interprétation de la culture si l’on ne s’attache ni au temps, ni aux faits, ni à ce qui est? L’affirmative semble de rigueur; toutefois, la réflexion hors contexte intéresse. Elle est fraîche, neuve, et ouvre des portes, certes pas directement applicables, vers le renouveau de la culture. Et c’est peut-être plus cela qui importe, comme nous l’avons montré précédemment, la culture se doit d’être mouvante pour survivre, et cela à n’importe quel prix. Pas de demi-mesure pour le développement de la culture? Les faits sont là, notre culture est unique et plurielle à la fois, elle en absorbe autant qu’elle en recrée, elle cumule et recrache en même temps, c’est un monstre que nous avons créé et nous ne le maîtrisons plus. Ce monstre nous aveugle tant, que l’on perd toute capacité de jugement et de création autonome hors d’une image que l’on s’est construite des choses. Une maison, c’est comme ça, une école comme ça, et une usine ainsi. Alors le discours formel de l’architecte semble s’appauvrir, mais en fait, il cristallise, transforme, interprète inconsciemment l’idée qu’il se fait de ses propres images de la culture. Ces images, sont mouvantes et nous ne terminons pas la description de celles-ci car elles ont déjà changé. Ces images avatars de nos civilisations, ou plutôt de notre civilisation car nous ne sommes qu’une, tout en étant plusieurs, sont «in-attrapables», récalcitrantes au contrôle de leur maître. Nous avons dessiné trois images, de trois cultures différentes, mais en fait vous les avez attrapées, et elles sont différentes des miennes, et différentes de celles de votre voisin. Le choix de ces images est aussi arbitraire que les critiques de celles-ci. La relativité, terme «einsteinien» s’il en est, est peut-être le seul qui nous donne la mesure exacte de ce qui est, l’unique et le multiple, un et plusieurs, simple et complexe, dilaté et contracté.

Difficultés des projets

«Les choses ne sont pas difficiles à faire, ce qui est difficile, c’est de nous mettre en état de les faire.» Constantin BRANCUSI

Parmi les premières difficultés rencontrées pour faire ce diplôme et ces projets, je citerai le temps, question dans le projet et problème du diplôme. Oui, cette variable est bel et bien la plus contraignante de toutes les variables. J’aurai passé au total plus de quatre mois à temps plein ou presque à travailler à ce diplôme, et c’est mon choix (même si l’argument économique a fait le choix pour moi). Avec une moyenne de plus de douze heures par jour hors repas, et cela tous les jours ou presque. On pourrait, d’un point de vue extérieur, difficilement comprendre pourquoi cela prend autant de temps. Comme j’ai pu le décrire en préambule, le diplôme est un processus assez invariable. Ce qui tend à l’être, c’est ce qui prend maintenant le plus de temps. J’ai pu lire des plaquettes de diplômes des années antérieures et si vous faites de même vous comprendrez. Les références, la consistance de la réflexion, et la qualité générale de la présentation du rapport sont maintenant arrivés à un niveau quasi professionnel, l’outil informatique aidant. Les projets sont sensiblement plus «construits», mais ce qui fait la plus grande différence, c’est la qualité du rendu graphique et de la présentation: rendus 3D, animations 3D, films, bandes sonores, dessins, montages photographiques, réalisme des maquettes, une vraie selff-entreprise qu’un travail d’étudiant. Les outils de représentation sont arrivés à un tel point de perfectionnement que l’attente des professeurs se dirige de plus en plus vers la qualité de communication plus que vers la qualité intrinsèque de la réflexion et du projet lui-même. Nous ne faisons plus de la création d’espaces, mais plutôt de la création et de la représentation d’espaces. Les fameuses 400 heures de travail personnel décrites dans les programmes qui sont à consacrer au diplôme sont le plus souvent étirées ( le calcul est vite fait d’ailleurs, sur quatre mois, ces 400 se transforme en 25 heures semaine, ridicule?) et le temps pour le passage des diplômes se transforme en une véritable auto-formation étendue sur plusieurs années quelquefois.

Seconde variable, celle justement qui m’a intéressé tout au long du diplôme, les différents paradigmes culturels. Le tout n’est pas de les connaître et de les comprendre un peu. Quelquefois, comme nous avons pu le montrer dans notre exemple un peu caricatural «bushesque», on tombe de très haut, on croit comprendre quelque chose, et ce n’est pas le cas, on attend quelque chose et cela ne vient pas et ne viendra pas. Les difficultés les plus grandes sont venues du projet en Louisiane, bien qu’ayant la quasi totalité des données avec moi, je nécessitais quelques compléments. Pendant cinq mois, j’ai attendu des documents, et je les attends encore, comptant sur des amitiés et des contacts locaux. Quand on n’est pas là pour faire «le pressing» physiquement, il est assez difficile d’obtenir quelque chose en Louisiane, à moins que cela ne soit administratif auquel cas c’est instantané. Ceci n’est qu’un exemple, mais il y en a tout un panel du même genre, entre les rendez-vous ratés, les incompréhensions et tout un tas de situations quasi burlesques. À l’inverse, j’ai eu des surprises et des aides inespérées (Cf. Remerciements).

En guise de «solution», on ne peut donner une définition formelle du type _ culture de l’architecte+culture locale=culture identitaire+bâtiment qui fonctionne... _ le fond n’est pas viable. Qu’est ce que plus de 130 000 caractères, du vent? Outre la création d’une expression formelle du problème _ qui nous intéresse _ , chose difficile, nous pouvons penser l’approche de cultures autres, de xéno-cultures, sous les traits d’une innovation (pas au sens du high-tech ou du designer industriel). Les traits d’une culture s’identifient parfois grâce à des éléments très fins. C’est à l’architecte de les transcender dans son travail de projet; de manière radicale quelquefois, mais d’autres fois plus humblement, par une sorte de respect culturel (architectonique), le bâtiment traduit, transporte son environnement culturel, il est porteur de sens. Le porteur de ce sens n’est donc pas simplement l’homme, mais ce qu’il produit, le fruit de son labeur.

Ce passage dans les différentes cultures est riche: on apprend plus, plus vite, et mieux. Par contre, beaucoup de choses se font plus lentement lorsque l’on est dans un environnement en découvrance. On perd ses habitudes, ses repères, on en cherche d’autres, et on devient plus riche, plus riche d’une culture, si on en fait l’effort. Les cultures s’offrent à nous, certes, mais il faut aussi les aider un peu. Tolérance. Compréhension.

.../... jmC, Zlín, septembre 2004

Voyages

J’ai rencontré des gens, plein de gens, mais pas simplement des personnes banales comme on croit toujours en rencontrer, des personnes exceptionnelles.

Puis j’ai vu des pays, plein de pays, mais pas simplement des pays banals comme on croit toujours en trouver, des pays exceptionnels.

Alors, j’ai rencontré d’autres gens, plein de gens, mais pas simplement des personnes exceptionnelles comme on croit toujours en rencontrer quand on voyage, des personnes extraordinaires.

Me rendant compte que tout cela était finalement «normal» et dans l’ordre des choses, j’ai décidé de continuer à voyager, parce que le monde est extraordinaire et les gens qui le peuplent riches de leur personne, de leur pays, de leur culture.

Ainsi, je m’enrichis chaque jour.

Remerciements

Si vous considérez qu’un diplôme se fait tout seul, ne lisez pas les noms qui suivent; dans le cas contraire, honorez ces gens en lisant leur noms si possible à voix haute, car ils le méritent.

Il est des choses qui sont impossibles à mesurer, la reconnaissance en est une:

CZ

Kristyna MUDRIKOVA (future Ing. Arch.), partenaire f.d.m.v., traductrice, et soutien critique de tous les jours, et guide de la culture tchèque; Ing. Arch. Pavel NOVAK, architecte de la ville de Zlín, contact compréhensif (tout à fait compréhensible en français) et actif sans qui le contexte Zlínois ne serait pas; Ing. Arch. Pavel MUDRIK, friendly english speaker, connaisseur de Zlín et de ses gens, Rodina MUDRIKOVA, pour son aide, sa gentillesse, sa vitalité; Mme SPACILOVA, Babicka Eva, pour ses gâteaux, ses douceurs, et son aide pour me loger; M. FRYDRYCH, pour le prêt de son espace, qui a été pour moi le lieu de mon diplôme, là où tout s’est décidé;

FR

Monsieur LAILLÉ ingénieur du service des constructions du rectorat, pour les explications du programme; M. LEBAS, architecte, responsable du dit service, qui m’a autorisé à utiliser le document relatif au futur concours du bâtiment des Sciences Humaines; PREPROGRAM, pour la consultation du programme; Hélène POUYE, responsable de la pédagogie à l’EAB et plus encore, qui m’a fourni l’aide amicale, morale, toujours aimable, et administrative à la bonne fin de ma 5 ième et de ma 6 ième année; André SAUVAGE, sociologue, et bien d’autres choses, qui a supervisé de loin (2 000 km) mais avec conscience et confiance ce travail; ainsi que Christian HAUVETTE, architecte et urbaniste, qui par son flegme et sa raison a fait avancer mon éducation, et mon rapport critique à l’architecture; aux admirables sages de la bibliothèque de l’école d’architecture de Bretagne et leurs aides de camp, garants de nos savoirs, de notre culture, de notre bonne humeur, et de la bonne santé de nos connaissances.

US

Eddie GUIDRY, «my bro’», Bachelor in Architecture, ami, aide, conseil, inspiration, et francophone de première (et sa famille au passage); Eddie CAZAYOUX, architect AIA, professor at ULL, Cajun parmi les cajuns, c’est lui qui m’a appris à relever des bâtiments, à fouiner dans leurs histoires et m’a mis les mains dans l’acier; Robert McKINNEY, architect AIA, director of the school of architecture at ULL, pour m’avoir gentiment enseigné, et plus tard conseillé dans ce diplôme; Hector LA SALA, architect AIA, professor ULL, design I, II & V, VI, pour avoir gentimentt oublié de me répondre malgré une bonne volonté apparente; David JAUBERT, Bachelor in Architecture, futur grand de l’architecture américaine, pour m’avoir montrer des recoins insoupçonnés de la créativité, des ordinateurs, et de la folie louisianaise;

D’autres ont été les catalyseurs de mes premiers voyages et des suivants: Charles GALLAVARDIN, Cédric MEY, Ludovic MEY, Stéphanie DELORME, Yvonnick FEASSON, compagnons de mon premier voyage, Hai (VN), Anh (VN), Luong (VN), Ho Chi Khoi (VN), Cam (VN), Myriam LAIDET (et indirectement MinYahYang), Bernard GODBILLE, Eva KORAKOVA, Max ILLIGNER (D), Agi (D), Ing. Arch. Michala FRYNTOVA (Cz), Billy KHLEIN (Mx), Cécilia (Fr-Es), Célia (P), Fumilayo RITA (P-Us), Julien TERTRAIS, Catherine CHAUMONT (Qc), Yolande SIMARD-PERRAULT (Qc), feu Pierre PERRAULT (Qc), Pauline AUBERT-YAPI (Qc-CH), Guillaume LABERGE (Qc), et ses/mes asties de coloc’ calice! , Pierre THIBAULT (Qc), Jan l’allemand qui enseigne l’irlandais tout en chantant en allemand et en parlant le français, Sana et Nadim (Liban), Marie-Hélène LORE, Bruce CHATWIN mais il ne le sait pas, et Luis SEPULVEDA, lui non plus ne le sait pas, en tout cas pas encore.

Et ces derniers méritent ma considération: Gigi, Sylvie (2x), Cathy, Josiane, Rémi, Julie PICHETTE (Qc), Céline POISSON même si elle parle un peu trop de Wittgenstein (Qc), François LATRAVERSE qui sait pourquoi il en parle (Qc), Anne-Hélène, Céline, An’C, les gens du GENEPI, Ben, Nicolas (2x Qc), l’EAB, ses personnels, ses enseignants, ses multiples directeurs, administrateurs provisoires, ceux qui s’impliquent dans la vie des écoles, de la cité, de la culture...

Peu ou pas de fautes, un énorme merci à Fanny ROY et sa maman, Cyril RAVELEAU, Nicolas Le QUÉBÉCOIS, Les filles de la Bibol, ...

À la mémoire de Romain,

Trop et pas assez...

Au courage de mon papa et de ma soeur Amandine, que j’espère rendre fiers.

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